« La promesse de ne pas être seuls »
27 mai 2018

« La promesse de ne pas être seuls »

Prédicateur:
Passage: Matthieu 28:16-20
Type De Service:

Le passage de l’Evangile de Matthieu que nous allons découvrir, se situe au chapitre 28. Ce sont les tout derniers versets de cet Evangile. Voici comment Matthieu termine l’histoire de Jésus : Jésus, ressuscité, a donné rendez-vous à ses disciples, en Galilée, là où tout avait commencé. Les disciples se rendent sur une montagne où Jésus les attend.  On ne sait pas comment s’appelle cette montagne, mais lorsqu’on est un peu familier des textes de la Bible, on apprend que la montagne est l’endroit où l’on rencontre Dieu, où Dieu se manifeste et se révèle.   Alors, pour les disciples, ce rendez-vous est important, parce que c’est là qu’ils vont voir Jésus, ressuscité pour la première fois. Il s’agit de ne pas le rater !

 

Lecture biblique : Evangile de Matthieu, chapitre 28, versets 16 à 20  

 

Jusqu’à présent, seules les femmes ont été les témoins privilégiés de Jésus ressuscité. D’ailleurs, si les disciples se rendent en Galilée, c’est parce que les femmes leur ont dit d’y aller, selon la parole même de Jésus : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée, c’est là qu’ils me verront ».  (Mt 28/10).

 

C’est donc au tour des disciples de rencontrer Jésus, ressuscité. On ne nous dit rien sur l’apparence de Jésus. On ne sait pas comment il est physiquement. Est-ce que ses vêtements sont blancs ? Est-ce qu’il y a une lumière spéciale qui l’entoure ?  Le récit est d’une sobriété désarmante. Quand les disciples voient Jésus, ils se prosternent. Autrement dit, ils s’agenouillent, ils s’inclinent, ils s’abaissent devant lui. C’est une impulsion très forte, qui exprime leur considération et leur respect. Les disciples reconnaissent en Jésus une autorité sans réserve. Et pourtant, nous dit le texte, certains ont des doutes. D’ailleurs, si on prenait le texte, mot à mot à partir du grec, on s’apercevrait qu’on peut traduire cette phrase aussi de cette manière : ils se prosternèrent, et tous eurent des doutes. Ils se prosternent mais ils restent sceptiques. Ils s’inclinent devant Jésus ressuscité, mais ils hésitent. Au fond, que ce soit certains, ou même la totalité, ils ont quelque chose de rassurant, je trouve, ces disciples, en ce sens qu’ils rejoignent la plupart d’entre nous, voire la totalité d’entre nous,  lorsque nous entendons ce récit. Nous sommes plongés de la même façon qu’eux dans le doute ou le scepticisme. L’événement de la résurrection de Jésus ne s’impose aucunement comme une évidence. Il faut parfois toute une vie pour comprendre que cela signifie. Comme s’il y avait une résistance, qui nous empêche d’y adhérer à fond.

 

Ce sont les tous derniers versets de l’Evangile de Matthieu qui sont proposés à notre méditation aujourd’hui. Ils arrivent comme une sorte de conclusion, qui vient clôturer la période terrestre de Jésus. A partir de maintenant, ce n’est plus le même type de relation qui va se mettre en place entre lui et ses disciples et cela se manifeste ici par le fait que le Ressuscité envoie ses disciples en mission. Les disciples sont en train de vivre leurs derniers moments avec Jésus, lui qui ne s’est pas encore soustrait à leurs regards.  D’ailleurs, dans l’Evangile de Matthieu, il n’y a pas à proprement parler de récit de l’Ascension, juste un envoi des disciples en mission. Si on ne sait rien du physique de Jésus dans ce récit, on peut imaginer, en tout cas je l’imagine ainsi, que c’est tout de même un Jésus glorieux qui parle à ses disciples, image suggérée par ces mots : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ». Et ce Jésus, investi de cette autorité me rappelle un passage d’un autre livre de la Bible, le livre du prophète Daniel. Ce prophète avait eu une vision, décrite de cette façon : « Au fils de l’homme fut donné empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues l’adorèrent » (Dn7/14). Sans doute, Matthieu l’évangéliste reconnaît qu’il y a l’accomplissement de cette prophétie, dans cette présence spécifique de Jésus.

Jésus envoie ses disciples en mission avec ces mots surprenants : Allez ! De toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout je vous ai prescrit. C’est une mission démesurée. C’est un défi impossible à relever au premier abord. Pourtant, ne sommes-nous pas devant une certaine passation de pouvoir ? Jésus dit : tout pouvoir m’a été donné... mais c’est vous qui allez partir vers les nations, c’est vous qui allez baptiser ! C’est vous qui allez enseigner !

Cette formule « Père, Fils et Saint-Esprit » est quelque chose de curieux, à cette place dans l’Evangile. C’est la première fois qu’elle est mentionnée aussi explicitement. Alors cette formule porte un nom, qui n’existe pas en tant que telle dans la Bible !  Mais qui a été inventée pour exprimer ce qu’elle voulait dire. Il s’agit de la Trinité. Être baptisé « au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit » témoigne d’une pratique religieuse qui était déjà en place, par l’Eglise primitive, au moment de la rédaction de cet Evangile. Cela témoigne que le baptême fait entrer la personne dans une relation personnelle avec Dieu, présent de trois façons, à la fois distinctes et complémentaires : Dieu présent à l’origine du monde, (Père), Dieu présent dans la rencontre avec le  prochain, (Fils),  Dieu présent dans le souffle (Esprit).  Cette formule est suivie d’une exhortation : apprendre à ceux qui sont baptisés, à garder tout ce que Jésus a prescrit, ou enseigné.

En quelques mots, nous avons le concentré de la mission des disciples : le baptême et l’enseignement, autrement dit : le sacrement et la prédication de la Parole qui sont en quelque sorte les deux piliers qui tiennent l’équilibre de la célébration chrétienne. Rien de plus, rien de moins.

Jésus laisse une mission, à la fois simple et immense.  Et nous pouvons sentir une sorte de tension, à cet instant. Si Jésus envoie ses disciples en mission, c’est que lui, d’une certaine façon, se retire. Jésus est en train de leur faire comprendre qu’il sera plus avec eux physiquement. C’est pourquoi il ajoute : « Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».

Oui, c’est à vous d’y aller, mais vous n’êtes pas seuls !

Les disciples ne savent pas encore qu’ils se retrouvent face à eux-mêmes. Il n’y a aucune formule magique dans ce passage, tel que l’évangéliste Matthieu nous le transmet.  Jésus dit simplement à ses disciples qu’ils ont l’essentiel pour continuer : sa présence invisible.

C’est donc aux disciples d’écrire la suite de l’histoire, pour qu’elle ne tombe pas aux oubliettes. C’est à eux de prendre le relais du message de Jésus, de ses actes, de sa vie, de ses guérisons, de ses miracles, de son témoignage. C’est à eux de dire aux autres ce qu’ils ont reçu de lui, ce qu’ils ont compris de lui, et comment cela les fait vivre. C’est à eux de transmettre ce qu’ils ont appris, de donner ce qu’ils ont reçu, afin que se prolonge le message et la présence de Jésus, de génération en génération. Si Jésus a, en quelque sorte, rempli une partie du contrat, sur la terre, les disciples sont appelés, à leur tour, à remplir la leur, malgré leurs doutes et leurs peurs, malgré leurs hésitations et  leur sentiment d’impuissance et même s’ils n’ont pas tout compris du message de Jésus ! Appelés à témoigner de que Jésus a dit et a fait, avec juste cette promesse, aussi démesurée que la mission elle-même : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps », symbolisant une présence invisible, mais durable, voire éternelle. Cette promesse rejoint ainsi une autre promesse de Dieu, dans le premier Testament, qui répétait à chaque prophète envoyé, à chaque témoin missionné, la même promesse d’être constamment avec lui. Et puis, n’est ce pas l’autre nom de Jésus, « Emmanuel », Dieu avec nous, annoncé à sa naissance ? (Mt 1/23).  C’est une façon de dire, que même s’il ne se voit pas, Dieu, en Jésus, s’implique dans la mission des disciples, et dans la nôtre aujourd’hui, si nous prenons le relais.  Mais cela avait déjà été dit autrement, à travers cette autre parole de Jésus : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ». (Mt 18/20).  Être assemblé en son nom, au fond, c’est simplement être réuni en son amour. C’est être réuni en ayant une confiance aveugle si j’ose dire, en une présence invisible et néanmoins fidèle.  C’est croire à cette présence, malgré le silence, malgré l’absence.

Cette présence va se décliner autrement que physiquement, à partir de maintenant. Cette présence naît de cette promesse.

 

C’est un pari totalement fou. Et pourtant il ne s’agit de rien d’autre. Juste une promesse.  Une promesse insensée, qui peut donner le droit à chacun, chacune, de plonger dans un doute, sinon incontournable, en tout cas, légitime.  Faire confiance à quelqu’un qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas, mais qui promet simplement d’être là, tout de même, c’est à la fois enthousiasmant et absurde.  Recevoir cette promesse, donner du crédit à cette parole, c’est tout simplement faire une confiance absolue, ce qui est la définition même de la foi. Cela n’empêche en rien de se poser les questions nécessaires à l’intelligence de la foi, à la critique de la foi, mais, à un moment donné, si cette parole rejoint une part de ma vie, sinon ma vie tout entière, alors c’est seulement avec la confiance qu’on y va, et rien d’autre !  C’est comme ça aussi dans la vie, lorsqu’on s’engage avec quelqu’un par amour, lorsqu’on a un enfant avec cette personne, ou que l’on construit un projet de vie avec une Eglise, ou qu’on s’engage dans un métier, un service, ou une association. Tout en réfléchissant, tout en pesant le pour ou le contre, et même si on se trompe de chemin, c’est cette promesse de ne pas être seuls, qui fait que nous y allons. Cela rejoint toutes les intimes convictions des autres témoins de la Bible, qui se sont levés et qui sont partis, un beau matin, convaincus que leur marche ne serait pas vaine, persuadés coûte que coûte, pour les uns, que le chemin conduirait quelque part, même à travers le désert, certains, pour d’autres, qu’une présence invisible mais fidèle, agirait sur les éléments, ou se tiendrait, imperceptible, dans le murmure d’un souffle ténu. C’est cette même conviction qui a fait se lever d’autres témoins plus proches de nous, quelqu’un comme Martin Luther King, par exemple.  Croire à cette promesse, de ne jamais être seul, le croire de toutes ses forces, même au plus profond de la solitude, du découragement, et si possible, plus encore, au plus profond de la souffrance et de la maladie, ou pire, dans l’enfer de la torture et de la persécution, de l’emprisonnement et même de la mort. Et si on ne peut plus le croire, alors espérer que d’autres vont le croire pour moi.  Croire en cette parole, que l’amour et la vie sont plus forts, que toute forme de mort, malgré les apparences contraires. Être porté par cette parole, encore aujourd’hui, ici et maintenant, alors que nous partageons ce temps ensemble. Cette promesse d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin des temps, jusqu’à la fin de chacun de nos mondes, en fait, donne un élan irrésistible à tout engagement. Elle fait trouver les mots qu’il faut pour répondre à un appel, et partir à l’aventure, comme la nuée des témoins qui nous a précédés et qui ont fait leur travail de témoins, malgré leurs doutes, leurs hésitations, leurs remises en question, puisque nous sommes là aujourd’hui, à notre tour, prêts d’une façon ou d’une autre, à prendre la relève, dans cette même confiance absolue. Tant d’autres aujourd’hui, comptent sur notre prière, attendent une parole qui les remette debout, qui donne un sens à leur vie, qui réoriente leur vie, leur marche, qui les enracine dans une confiance qui réconcilie. L’Evangile a peut-être été proposé un jour dans notre vie. En tout cas, il est encore proposé aujourd’hui. Si cela a changé quelque chose dans notre quotidien, s’il nous a mis en route, à la suite du Ressuscité, proposons-le à d’autres maintenant. Nous ne passerons jamais pour des illuminés, mais seulement pour des personnes habitées par ce qu’elles croient. Nous ferons alors l’expérience d’une foi unifiée à la vie. Le signe visible de cette présence invisible sera la paix. Intérieure comme extérieure. C’est là seulement, que nous saurons que Jésus, le Christ, est pleinement dans nos vies, et que, malgré son apparente absence, Dieu, en lui, n’a jamais déserté l’humanité.  Il continue d’être présent auprès des générations qui suivent. Il peut toujours nous rejoindre aujourd’hui.

 

Amen

 

Agnès, le 27 mai 2018

 

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