« Perdu et retrouvé »
29 avril 2018

« Perdu et retrouvé »

Prédicateur:
Passage: Luc 19:1-10
Type De Service:

Je suis rentrée de Taizé hier soir. Une semaine avec 500 jeunes au début de la semaine, 800 vers mercredi, et sans doute 1000 depuis hier. Venant de toute l’Europe du nord au sud. Et de l’Est. Il y avait aussi quelques américains.

Rassemblement œcuménique. Catholiques et protestants français et allemand, très nombreux, un groupe d’allemands est venu avec des personnes handicapées, chacun s’occupant d’une personne handicapée, en particulier, il y avait aussi des anglicans de Finlande, des luthériens d’Allemagne, tout le monde avec un col romain autour du cou y compris les femmes, ce qui m’a valu une question de la part d’un prêtre catholique avec son col romain :  je suis complètement perdu ! Trois célébrations par jour. 8h15, 12h15 et 20h15. Quelques bancs pour s’asseoir dans l’Eglise de la Réconciliation. Sinon tout le monde est par terre. Une église avec des murs en forme de portes de garage, qui s’ouvrent ou qui se ferment en fonction du monde. Une célébration qui dure entre ¾ d’heure et une heure.  Avec les chants de Taizé reconnaissables entre mille. Au milieu de l’Eglise, assis les uns derrière les autres, 60 frères, en aube blanche.  Actuellement ils sont 90. Dont une trentaine, qui voyage à travers le monde.  Ce qui m’impressionne, ce sont tous ces jeunes, qui peuvent rester en silence pendant 8 à 10 mn, imaginez 800 jeunes, en silence total, sans sonnerie de portable.  Des jeunes pas énervés. Des jeunes qui attendent dans une file, entre 30 et 40 minutes pour recevoir un repas frugal. Des jeunes qui participent aux activités proposées par la communauté, aux antipodes de ce qu’ils peuvent faire habituellement. Des jeunes, qui au début, tout comme moi, se demandent comment ils vont faire pour tenir dans une telle ambiance, toute la semaine.  Et tous surpris, à la fin de la semaine d’y être arrivés

Les journées sont très structurées, il y a des activités tout le temps, entre les groupes d’études bibliques, le matin, les ateliers l’après-midi, le nettoyage du campus, la préparation des repas, pour certains, la préparation de sketches, et même un après-midi de silence dans la nature pendant une bonne heure.  Le plus dur sans doute, c’est le soir, car les jeunes ont du mal à aller se coucher à l’heure qu’il faut... Normalement, tout le monde est couché, lumière éteinte à 23h30. Interdiction de faire du bruit après cet horaire…Difficile à tenir, il a fallu faire attention à bien encadrer tout ce petit monde, tout en apprenant à se responsabiliser soi-même. On fait l’apprentissage de la confiance. Depuis Frère Roger et son intuition, cette aventure a commencé en 1942, les frères de Taizé ont ce principe de base : les jeunes sont dignes de confiance, ici et maintenant. Les adultes font confiance aux jeunes, ils font confiance à leur intuition, à leur observation, à leur intelligence, à leur spontanéité. Une semaine comme ça développe leur solidarité, permet de surmonter la peur de l’autre, la barrière de la langue. Cela passe par la simplicité du quotidien, assez rudimentaire.  C’est le retour à l’essentiel, encadré par le chant, la prière et la lecture de la Bible. Pas de prédication pendant les célébrations. Le partage de la Bible se fait en groupe, après la célébration ; Donc pas de message délivré, pas de discours moralisateur et pas d’explication toute faite. C’est à chacun de faire son chemin, à la mesure de ce qu’il est, de ce qu’il veut, de ce qu’il recherche.  Taizé c’est une expérience unique. Et qui n’a rien perdu de son actualité. Je n’y étais pas allée depuis 1995. 23 ans. Et j’ai retrouvé cette même atmosphère de simplicité, peut-être même encore plus que par le passé, sans doute parce que moi-même, je me suis simplifiée, dans ma propre relation à Dieu.

Je me suis occupée d’un groupe de 9 jeunes dont je voudrais donner les prénoms, parce que je leur ai promis de le faire, en les quittant hier : Gauthier, Louis, Eloïse, Claude (c’est une fille), Naïma, Clara, Arthur, Fanny et Loïc.

Il y a aussi Corinne, une autre adulte qui prenait le groupe en charge avec moi, toute la semaine.  De lundi à samedi nous avons étudié 6 textes bibliques dans l’Evangile de Luc.

La naissance de Jésus, Jésus dans la synagogue de Nazareth, au début de son ministère, la guérison de la femme courbée, le jour du Sabbat, la rencontre de Jésus avec Zachée, Jésus devant Pilate, et la résurrection de Jésus.

Le texte qui a remporté le plus d’échanges ce fut la rencontre de Jésus avec Zachée, et c’est pourquoi j’ai retenu ce texte pour aujourd’hui. Et je voudrais partager avec vous ce que nous avons dit sur ce texte.

Tout d’abord nous avons dit que ce texte était comique. Il faut s’imaginer la scène. Zachée est petit, c’est un collecteur d’impôts dont on dit qu’il est riche, et s’il est riche, on peut penser qu’il a de beaux vêtements.  Un homme petit, bien habillé, riche qui essaie tant bien que mal de monter dans son sycomore.  C’est une situation comique.

Mais au fond, si on regarde encore, cela n’est pas si drôle. Zachée monte dans cet arbre pour voir absolument Jésus, si possible sans être vu. Sa petite taille l’empêche de voir Jésus comme tout le monde. La foule forme un écran entre lui et Jésus, c’est pour ça qu’il monte dans le sycomore. Il se cache dans cet arbre, sans doute à cause de ses choix personnels. Il collecte les taxes, les impôts, pour le compte des Romains, les occupants, et ce faisant, il est coupé de sa propre communauté, il n’est aimé de personne, il est même impur d’une certaine façon, donc personne ne le fréquente et on peut imaginer le regard des autres sur lui.  Si sa taille ne dépend pas de lui, à l’inverse, ses choix dépendent de lui.

Qu’est-ce qui pousse Zachée à monter sur son arbre pour voir absolument Jésus. C’est la foi de Zachée, qui est dans son cœur, et qu’il n’est peut-être pas sûr d’avoir. Ce qu’on peut remarquer, c’est que Zachée ne remet pas à plus tard sa décision de monter sur son arbre. Il n’attend pas un jour meilleur pour le faire, quand Jésus repassera une autre fois. Zachée n’attend pas d’être devenu meilleur pour voir Jésus, il se débrouille pour le voir tout de suite.

Et Jésus voit Zachée, malgré la foule, et bien qu’il soit à l’abri dans son arbre. Zachée se pensait bien caché du regard des autres, mais pas du regard de Jésus. Ce qui est bien dans ce texte, c’est que Jésus voit la foi de chacun, même s’il ne demande rien, (comme la veille, avec la guérison de la femme courbée le jour du Sabbat) et même si elle est grosse comme une graine de moutarde. Ce qui est bien dans ce texte, c’est que Jésus vient vers Zachée sans qu’il soit devenu parfait. Il n’attend pas qu’on change. Jésus nous regarde, il nous voit en profondeur, et ensuite, on change. C’est ce qui se passe pour Zachée. Une fois que Jésus l’a regardé, il est totalement libéré. Non seulement Jésus le regarde mais en plus il s’invite chez lui à déjeuner, devant tout le monde. Et en plus, Zachée témoigne de la transformation que Jésus a faite en lui.

C’est un texte qui a bien parlé aux jeunes de mon groupe. Alors j’ai posé la question. Est-ce qu’on accepte nous aussi, de se laisser regarder par Jésus tels qu’on est, avec la situation qui est la nôtre personnellement aujourd’hui ? Et si jamais Jésus me demande de venir loger chez moi, pour un repas, est ce que je vais accepter ? Accepter de lui ouvrir ma maison, autrement, lui ouvrir ma vie, avec tout le désordre qui est à l’intérieur, même si les pièces sont bien rangées ?  Quelqu’un a dit : les pièces sont bien rangées, comme dans ma chambre, mais quand on ouvre le placard, tout tombe !

Certains ont aussi admiré, je cite : la force de caractère de Jésus, qui passe à travers les critiques qu’on peut formuler contrer lui. De toute façon, il y aura toujours quelqu’un pour critiquer Jésus, c’est plus facile de critiquer et de porter un jugement désagréable. Admiratifs aussi que Zachée rembourse quatre fois plus que ce qu’il avait pris. C’est le prix de sa culpabilité.

Voilà ce que j’ai glané ici et là, pendant cet échange avec les jeunes. Ce qui compte dans tout ça, c’est que la Parole soit semée. Un frère a dit aux jeunes, au début de la rencontre : n’essayez pas de tout comprendre.  Il y a plein de choses qui vous passeront au-dessus de la tête. Par contre, si un mot, ou une phrase vous parle plus particulièrement, alors gardez là et prenez le temps de l’approfondir. Une dernière remarque : aucun jeune n’a posé la question de savoir ce que voulait dire : le salut est entré dans cette maison. Mais ils ont été sensibles au fait que Jésus avait vraiment changé la vie de Zachée.  Alors j’ai demandé : est-ce que vous pensez que Jésus peut changer la vôtre, de vie ?  Il y a eu un grand silence. Un a dit, moi ma vie ne change pas du tout, je suis perdu à bien des niveaux, je suis irrécupérable, et c’est toujours aussi difficile de vivre. Et à ce moment-là, on a parlé du suicide. Un autre a dit : le changement que Jésus fait en nous ne se voit pas forcément tout de suite. Souvent on n’ose pas le dire qu’il y a un changement. On ne veut pas que ça se remarque, alors, on fait tout comme avant... Mais à Taizé, au moins, on peut en parler ! Une fille a dit : C’est bien que Jésus sache comment nous retrouver ! Perdu et retrouvé. Cela a permis qu’on parle de la parabole du fils prodigue. C’est le même mot. Jésus est venu chercher et sauver ce qui était perdu, et le fils perdu pour qui il faut se réjouir, parce qu’il est retrouvé.  Puissions-nous toujours privilégier des lieux, à Taizé et ailleurs, pour que les jeunes se sentent accompagnés et en confiance pour parler ensemble, et que la Parole leur parle aussi.

Amen.

Agnès, le 29 avril 2018

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