« Le doute aboutit à une foi consciente et dénuée de toute superstition »
17 juin 2018

« Le doute aboutit à une foi consciente et dénuée de toute superstition »

Prédicateur:
Passage: Jean 20:19-31
Type De Service:

Chers Amis, chère Valentine, sœurs et frères en Christ et en humanité,

C’est avec une grande émotion et une profonde reconnaissance que nous sommes réunis aujourd’hui dans ce temple à Issy les Moulineaux, pour entourer Valentine Floquet qui fera dans quelques instants son entrée dans l’Eglise universelle. En préparant ce culte, nous avons retenu ce texte de la rencontre de Jésus avec Thomas.

C’est un texte magnifique que je vous propose de reprendre quelques instants. Magnifique pourquoi ? Parce qu’il pose la question fondamentale du doute et de la foi. C’est un « éclat d’Evangile » qui j’espère, parlera à notre cœur, parce qu’il autorise en quelque sorte, chacun d’entre nous, de se poser la question de savoir où il en est, dans son chemin de vie, et son chemin de foi.

Qui est Thomas ? Thomas est un disciple nommé plusieurs fois dans l’Evangile de Jean. D’ailleurs il a un surnom amusant : il s’appelle Dydime. Or que veut dire Dydime, en grec ? Cela veut dire jumeau. Thomas le jumeau. Mais le jumeau de qui ? Qui est l’autre jumeau ?

Thomas est cité dans les quatre Evangiles, seulement une fois, dans les Synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, comme faisant partie des 12 disciples, mais il est mentionné 4 fois dans l’Evangile de Jean, qui lui donne donc, plus d’importance.  Dans l’Evangile de Jean, au chapitre 11, au moment de la résurrection de Lazare, Thomas engage tous les disciples à suivre Jésus en Judée, même au péril de leur vie. (Jean 11/16). Un peu plus loin, au chapitre 14, Thomas se demande quel est le chemin à prendre pour suivre Jésus  et il interroge Jésus à ce sujet. Jésus lui répondra : « Je suis le chemin, la vérité et la vie »  Dans le tout dernier chapitre de l’Evangile de Jean, qui est une sorte de conclusion destinée à l’organisation de la jeune communauté chrétienne, Jésus apparaît une autre fois à Thomas. (Jean 21/2), en plus du récit d’aujourd’hui.

Parce que c’est bien le récit d’aujourd’hui qui est certainement le plus connu, à savoir sa rencontre avec Jésus, ressuscité, une semaine après le matin de Pâques.  En effet, le soir de Pâques, il nous est raconté que Jésus apparaît à ses disciples, soigneusement enfermés dans une pièce,  mais voilà que Thomas est absent. Thomas ne participe donc pas, comme ses compagnons à la révélation de la résurrection de Jésus. Et quand ses amis lui racontent l’extraordinaire apparition de Jésus, cela ne touche pas Thomas. Il trouve cela impensable ! Et même s’il voyait Jésus, personnellement, cela ne suffirait pas, il lui faudrait d’autres preuves ! Il a besoin de concret  pour croire l’incroyable.

Aussi quand Jésus revient la seconde fois, il lui propose de toucher la marque de ses clous et de mettre sa main dans la plaie provoquée par la lance, dans son côté. Ce qui est remarquable, dans ce récit, c’est que Jésus ne fait aucun reproche d’aucune sorte à Thomas, ni de ne pas avoir été là, la semaine précédente, et ni de vouloir toucher ses plaies. Jésus exhorte seulement Thomas à ne plus être incrédule.

Alors…le texte ne nous précise pas si, effectivement, Thomas a joint le geste de toucher,  à la parole demandant des preuves. Tout ce que nous avons, c’est la plus magnifique des confessions de foi : Mon Seigneur et Mon Dieu, qui jaillit de l’intimité de Thomas, dans une sobriété profonde.  Mon Seigneur et mon Dieu. Thomas fait enfin la vraie rencontre avec son maître, Jésus. C’est la révélation du cœur. C’est la rencontre que  chaque croyant aimerait expérimenter au moins une fois dans sa vie.  Et Jésus accueille cette confession de foi en formulant une béatitude, destinée à ceux qui croiront sans avoir vu.

Nous non plus nous n’étions pas là, et pour cause, quand Jésus est apparu à ses disciples.  Il y a des personnes qui nous affirment que Jésus est ressuscité. Est-ce que cela veut dire quelque chose pour nous ? Nous nous sommes posés cette question, le dimanche de Pâques de cette année, après que nous nous soyions salués avec cette phrase de l’Eglise ancienne : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Mais est ce que nous y avons cru ? Est-ce que nous y croyons seulement maintenant ? Est-ce que ces mots ont du sens pour nous ? Quelle réalité est ce que nous mettons dessus ? Toujours, on finira par dire : Pour moi, la résurrection c’est…ceci, ou bien cela, ou encore autre chose,  mais l’important c’est de commencer par « pour moi… » Cela témoigne d’une réflexion en cours. Cela ne fait pas de nous des chrétiens de seconde zone ou des chrétiens au rabais, mais des chrétiens conscients de la difficulté de croire. C’est sans doute paradoxal, mais au moins, c’est honnête.

Nous sommes dans la situation des croyants des générations après l’événement de Pâques.  Nous sommes appelés à croire une parole qu’on nous aura dite, qu’on nous a dit ! C’est tout. Et on peut ne pas la croire. C’est d’ailleurs tout le sens du mot Dydime, le jumeau. Chaque croyant qui entend la nouvelle de la résurrection de Jésus, et qui ne peut la croire sans faire lui-même l’expérience d’une rencontre avec le Ressuscité, est le jumeau de Thomas.

Mais la différence entre Thomas et les croyants suivants, c’est que Thomas a vu le Ressuscité, même avec une semaine de décalage par rapport aux disciples. Thomas fait en quelque sorte la transition entre les disciples qui ont vu et côtoyé Jésus et  la génération des disciples à venir qui, eux, ne croiront que sur la parole des autres.  Mais les disciples à venir, et c’est nous aujourd’hui,  pourront faire eux aussi, la rencontre avec de Jésus-Christ,  sur la base d’une double médiation : d’une part le texte biblique qui raconte le témoignage  a postériori de celles et ceux qui ont vécu du temps de Jésus, et d’autre part, la médiation de l’Esprit-Saint qui donne de recevoir ce témoignage pour notre propre chemin de foi, comme l’indique la conclusion du chapitre 20 de l’Evangile de Jean.

Le doute et la foi font partie intégrante du chemin du croyant en recherche comme du croyant qui pense avoir trouvé.

C’est important d’avoir des doutes, mais le plus important encore, c’est de ne pas culpabiliser d’avoir des doutes. Nombreux sont les croyants de toutes confessions qui ont des doutes. Le doute est une épreuve particulièrement inconfortable qui place le croyant en situation de grande vulnérabilité. Mais à mon sens, personne ne devrait faire l’économie du doute. Car le doute aboutit à une foi consciente et dénuée de toute superstition. C’est un signe de bonne santé religieuse que d’avoir des doutes. Car c’est quelque chose de normal que de douter de la présence de Dieu. C’est une question pertinente que celle de l’existence ou non  de Dieu à nos côtés. La Bible est traversée par cette question, en particulier, dans les Psaumes, et Jésus  a fait aussi cette expérience du doute sur la croix, quand il a crié Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Et bien des paraboles de Jésus présentent Dieu comme un homme, un maître  qui part en voyage et qui laisse ses serviteurs se débrouiller tous seuls ! C’est inconfortable, mais cela fait grandir. Le doute fait grandir la foi. Le doute c’est le contraire de la certitude. Le danger de la certitude, c’est de ne pas assez remettre en question ou de triturer  toutes les vérités qu’on nous impose comme absolues. On oublie trop souvent que Le Christ ou l’Evangile ne s’imposent pas, mais se propose seulement. Si nous ne doutons jamais, alors, peut-être nous sommes-nous faits une image de Dieu, à laquelle on tient, et qu’on ne peut pas toucher, on ne peut pas ou qu’on ne veut pas remettre en question, une image de Dieu que nous prenons pour être la seule et la vraie vérité sur Dieu et qui consiste à faire de Dieu une idole.  Cela consiste à dire que nous avons trouvé Dieu, et que d’une certaine manière, nous avons la main mise sur lui. On détient alors la vérité. Mais une vérité détenue est une vérité prisonnière, qui ne peut plus évoluer.

Merci Valentine d’avoir choisi ce texte pour aujourd’hui, et merci aussi pour le texte que tu as choisi et que tu nous liras tout à l’heure au moment de ton engagement. En tout cas, le texte de Jésus et Thomas résume parfaitement le travail que nous avons fait, parfois sans nous en rendre compte, pendant ces années de catéchisme, commencé à l’école biblique. Je m’adresse aussi à Anaïs et à Théo qui feront la même démarche que toi, mais à la rentrée. Avec les années de catéchisme, vous avez rencontré des moniteurs, des monitrices, et des pasteurs qui ne sont des surhommes, ou des sur femmes, mais des personnes en recherche, et qui témoignent avec ce qu’ils sont, de ce qu’ils croient, au moment présent. Nous avons tous appris les uns des autres.

Valentine, dans un instant tu vas confesser la foi chrétienne avec nous. Tu te poses des questions, et c’est normal. Tu vis une étape importante dans ta vie personnelle qui te fait quitter la magie de l’enfance pour une réalité plus inconfortable, celle d’adolescence, en prise avec les désirs, mais aussi avec les drames du monde adulte : avec des questions existentielles que personne n’arrive à résoudre tout seul. Je suis au regret de te dire que tu n’en as pas fini avec les doutes, ni avec les questions sans réponse, mais, l’Eglise dans laquelle tu choisis de rentrer est là, pour t’accompagner, certes avec ses imperfections, avec ses limites humaines. Confirmer aujourd’hui tes vœux de baptême, c’est faire une pause dans le questionnement. C’est pour un temps, abandonner le temps de la recherche, pour s’abandonner à une présence invisible, c’est vrai,  mais qui donne ce sentiment presque fou de ne pas être seul. C’est faire l’expérience de la foi, autrement dit de la confiance sans réserve envers quelqu’un t’accompagne chaque jour de ta vie, même si tu n’as toutes les réponses que tu souhaites. Et au fond, c’est ça l’Eglise, c’est le rassemblement de tous ceux et de toutes celles qui cherchent, qui approfondissent, qui s’éclairent mutuellement avec le peu qu’ils ont trouvé, et qui continue de les faire espérer et aimer, malgré un monde impitoyable. On croit toujours que l’Eglise transmet une religion. En fait, on se trompe.  L’Eglise n’a pas d’autre vocation que de transmettre la foi, par son témoignage. Il n’y a pas plus fragile que les institutions, même ecclésiales, mais il n’y a pas plus solide que la foi qui, jamais ne dira son dernier mot, surtout si elle est stimulée par la remise en question, et par la volonté de toujours mieux comprendre.

Une dernière chose : la confirmation n’est pas un acte magique. C’est possible que tu ne ressentes rien de spécial,  à part le trac, pas d’illumination, pas de chœur des anges en arrière plan, pas de révélation extraordinaire, pas d’arrêt sur image, ou d’envoi en mission, à la manière du film «  les blues brothers ».  Je t’en prie, ne sois pas déçue.

Ici, nous serons nombreux à te dire que ce n’est pas toujours sur le moment que nous découvrons la présence de Dieu à nos côtés. C’est souvent dans un « après », dans une relecture des événements de nos vies, où nous avons fait l’expérience qu’un supplément de vie et d’amour est apparu, dans ce que nous étions en train de vivre. Quelque chose qui nous fera dire, qui te fera dire : « Il était là, et je ne le savais pas ».

Rappelons-nous qu’en hébreu, « croire en Dieu », c’est en réalité, le chercher, et sans cesse l’espérer.

Amen.

Agnès, le 17 juin 2018. Avec toute mon affection.

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