Renouveler notre espérance
2 décembre 2018

Renouveler notre espérance

Prédicateur:
Passage: Luc 21:25-36
Type De Service:

C’est le premier dimanche de l’Avent.

Nous avons allumé la première bougie de la Couronne. Et c’est le lancement de notre Caravane, qui nous conduira chez les uns et chez les autres, jusqu’au 24 décembre prochain.

Nous découvrons ou nous redécouvrons la nouvelle liturgique. Tout nous invite au changement, pour entrer dans ce temps de l’Avent, qui veut dire « ATTENTE ».

Tout nous invite à l’attente et au changement, y compris les textes bibliques prévus pour aujourd’hui :

  • Le psaume 25, dans lequel il y a l’appel des pécheurs à être délivrés par Dieu,
  • L’attente d’une catastrophe, dans l’Evangile de Luc, et
  • Cet extrait du livre de Jérémie, qui annonce une sorte de bonheur, après la chute de Jérusalem, l’annonce de la naissance d’un vrai descendant de David qui fera appliquer le droit, en rendant la justice.

En quoi ces textes nous concernent-ils ?

Les quatre dimanches de l’Avent ouvrent la période de Noël. Nous vivons les jours les plus courts de l’année. Novembre est passé, c’est la fin de l’automne, avec sa grisaille, la pluie qui tombe, sans s’arrêter, comme cette nuit. Il y a eu aussi le souvenir des morts, les nôtres et ceux des différentes guerres. Il y a eu la commémoration du centenaire de l’armistice de 1918.  Novembre est le mois du souvenir des jours d’angoisse, des jours d’épreuves, qui nous rappellent ceux qui sont évoqués dans les textes bibliques.  Et ça continue. Il ne passe pas une journée sans que l’on apprenne un décès parmi nos proches, une souffrance, une solitude, une trahison, et ces jours derniers, la violente folie qui s’empare de nos concitoyens aux gilets jaunes, avec leurs revendications sûrement justifiées, mais qui sont aussi le théâtre de débordements incontrôlés.  Tout cela rajoute de l’angoisse aux angoisses que nous connaissons déjà dans nos propres vies. Je vous en épargne le catalogue, il n’y a qu’à écouter la télévision ou ouvrir le journal. Ce qui est sûr, c’est que la situation internationale reflète une profonde instabilité et nous sommes dans de nombreuses impasses, dont personne, d’une certaine manière, ne veut sortir, curieusement.  Et c’est ainsi que la peur s’installe.

 

La peur, comme la colère, sont mauvaises conseillères. Elles sont comme l’arbre qui cache la forêt. La peur rend pécheur, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire qu’elle nous coupe de Dieu. Être coupé de Dieu, c’est ne plus avoir confiance. Ni en lui, ni dans les autres, et par voie de conséquence, ni en nous-mêmes. Et cela nous fait faire plein de bêtises, que nous appellerons les fautes.  Cela existe depuis la création du monde, racontée dans le livre de la Genèse que nous étudions actuellement au groupe « partage itinérant de la Bible », ou aussi dans le groupe « aux sources de la foi », qui a choisi de parler, cette année, de la question du mal.  Cela commence avec l’homme et la femme au jardin d’Eden, après qu’ils aient mangé du fruit de l’arbre de la vie et de la connaissance : « J'ai entendu ta voix dans le jardin et j'ai eu peur, parce que je suis nu ; je me suis donc caché » (Gen. 3 / 10). Nous avons peur des autres, nous avons peur de la mort, peur de notre propre vie, parfois, peur des cris du monde. Alors, on se replie, on se recroqueville, on ne fait plus rien. Ou au contraire, on se réfugie dans le travail, ou dans la super activité, on garde le nez dans le guidon et on ne voit plus rien, on n’entend plus rien.

Heureusement s’ouvre la période de l’Avent. C’est le temps de l’espérance, mais aussi le temps de la conversion. C’est quoi, espérer, sinon de voir plus loin que le visible immédiat ? Espérer, c’est lever son regard un cran plus haut, pour regarder au loin, pour voir s’il n’y aurait pas une petite lumière qui nous rassurerait et qui pourrait nous guider ?  Si espérer, c’est lever son regard d’un cran, alors c’est aussi changer de regard sur ce que nous voyons.

Une femme théologienne de l’Eglise catholique, Marguerite Hoppenot, qui est à l’origine du mouvement « Sève », écrivait ceci : « Si tu veux que les choses changent, change d’abord ton regard sur les choses, et les choses changeront ».  C’est bien une conversion que nous devons opérer. Oser un changement de regard, mais aussi oser un changement de direction de tout notre être. Non pas quand ça va mieux, après l’épreuve, mais quand on est au cœur même de l’épreuve, de l’angoisse, de la peur. Car c'est depuis sa détresse que le psalmiste crie et prie, c'est depuis la ruine de Jérusalem que Jérémie prophétise, c'est avant même l’abandon et la mort que Jésus annonce le relèvement. Il semble que ce soit le fil conducteur de nos textes bibliques.  Et c’est en ce sens qu’ils présentent une source d’espérance, en nous invitant à nous mettre à l’heure de Dieu. Parce qu’en dépit des apparences, à l’heure de Dieu, il n’est jamais trop tard. Jamais trop tard pour espérer.

Que la catastrophe soit imminente, personne n'en doute, même si on ne s'attend pas tous à la même, et qu'elle soit personnelle ou mondiale. Au fond, chacun ses propres représentations de fin du monde ou fin d’un monde. Ce que les textes bibliques nous disent, comme étant une parole de Dieu, c’est que Dieu se tient au milieu du monde, au milieu des catastrophes en tout genre.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Ceux qui s’attendent à la mort, même s’ils cherchent à la fuir, la trouveront fatalement.  Mais ceux qui s’attendent à Dieu, y compris quand tout va mal, y compris dans la mort, trouveront Dieu.

L’Avent, c’est le temps de l’attente. Mais, qu’est-ce que nous attendons ? Ou peut-être vaut-il mieux dire : A quoi nous attendons-nous ?  Attendez-vous ? Oui, à quoi nous attendons-nous, chaque jour quand nous nous levons, chaque jour dans nos foyers, nos familles, mais aussi dans notre vie professionnelle, notre vie sociale, et ici, dans nos vies d’église ?  Qu’est-ce que j’attends pour moi-même, pour ma vie personnelle ? Est-ce que nous courons ? Faisons-nous du surplace ? Comment mobilisons-nous nos forces, pour faire advenir notre fraternité, à la fois dans nos locaux paroissiaux, mais aussi dans notre société ?

Les textes d’aujourd’hui, en même temps, nous avertissent et nous exhortent Quelque chose va arriver. Mieux ! Quelqu’un vient !  Nous sommes invités à agir en conséquence de l’annonce de cette venue. Si nous n’attendons plus rien, ni personne, si nous n’espérons rien de bon, alors rien de bon arrivera. Juste parce que le néant et la mort sont dans la nature des choses.

Dans l’Evangile de Luc, il y a ces paroles : « Cette génération ne passera point que tout cela n'arrive. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ». (Lc 21/32,33). Jésus rappelle quelque chose que nous oublions tous, très souvent : nous sommes mortels. Il nous apprend autre chose : ce sont ses paroles qui sont immortelles. Accueillir ses paroles, vivre de sa Parole, c’est ce qui donne la vie, la vie éternelle. La vie éternelle ce n’est pas une vie dans laquelle on ne mourrait jamais, la vie éternelle, c’est de savoir pour quoi, et pour qui on vit. La vie éternelle est une vie qui commence aujourd’hui dans la foi, c'est-à-dire dans la confiance renouvelée, entre Dieu et nous, entre nous et les autres, avec nous-mêmes. C’est une confiance qui nous fait quitter la peur. Croire au Dieu de Jésus-Christ c’est croire en une force de vie plus forte que la mort, c’est mettre sa confiance dans une force d’amour déjà inaugurée au matin de Pâques.  Pour que les paroles de Jésus ne passent pas, il faut les annoncer à celles et ceux qui nous suivent, pour qu’ils puissent en vivre.

Ne nous méprenons pas sur le sens de toutes ces paroles, à la fois celle de Jésus, celle du prophète Jérémie, et surtout celle de nos interprétations. La bonne nouvelle pour aujourd’hui, c’est que notre attente, notre espérance, la motivation de nos actes, n’ont rien à voir avec le fait de baisser les bras, mais dans l’acceptation d’une vie qui prend toujours le dessus. Les angoisses, la détresse, ne sont pas seulement le lieu possible d'une rencontre avec Dieu, mais aussi le lieu d'une résurrection avec le Christ, Jésus. Pas après notre mort, mais d’abord ici et maintenant, quand notre vie terrestre commence.  Pas après, quand la tempête est passée, mais au cœur même de la détresse. La puissance de la résurrection est à l'œuvre dans notre « génération », dans notre vie présente : c'est la puissance même des paroles de Jésus-Christ.  Ces paroles, cette puissance de vie sont capables de grands miracles.

 

Alors bien sûr, si on s’en tient strictement à l’histoire antique d’Israël vous allez me dire que Jérémie a eu tout faux ! Finalement, le roi Sédécias, installé par les Babyloniens ne régnera que dix petites années… Il trahira ses engagements, et il sera la cause de la ruine définitive du pays, au point que plus jamais aucun descendant de David ne siègera « sur le trône de la maison d'Israël ». Pourtant, par-delà l'échec historique à court terme de cette prophétie, c'est de bien autre chose qu'il s'agit. Il s'agit de nous tous.

Actuellement dans notre monde, il y a de nombreux lieux en ruines. La société, l’éducation, la planète, et notre christianisme occidental, toutes confessions confondues.  Mais les textes de la Bible d’aujourd’hui portent une promesse : celle de la réunification entre tout ce qui est éclaté, divisé aujourd'hui.  Il ne s’agit pas d’un rassemblement plus ou moins consensuel, comme disent d'autres prophéties, mais il s’agit bien d’une unité.  Souvent, on n’aime pas beaucoup ce mot d’unité, parce qu’on y voit une uniformité, une conformité, une ressemblance.  Et pourtant, c’est ce vers quoi nous devons tendre, l’unité dans tous les domaines de la vie du monde.

Est-ce un rêve ? Une utopie ?  Comment est-ce formulé dans le livre de Jérémie ?

Au verset 13, il est écrit : « Le petit bétail passera encore, à nouveau, sous la main de celui qui le compte. »

Nous pouvons y entendre, personnellement et communautairement, deux promesses : la première, c’est que nous ne sommes pas seuls, que Dieu est fidèle, qu’il est et qu’il restera encore et toujours le berger qui s’occupe de son troupeau. Cette image peut sembler archaïque aux oreilles de certains, et pourtant, la Bible ne nous offre pas d’autre parole que celle-ci. La seconde promesse, c’est que, de génération en génération, malgré les guerres et l’acharnement des uns pour exterminer les autres en tout genre et au nom de n’importe quelle idéologie, il y a aura toujours ce troupeau. Nous sommes aujourd’hui, ce troupeau, ce petit bétail, que sa main conduit. La vraie parole de bonheur, comme nous dit Jérémie ce matin, ce n’est pas seulement la vie avec Dieu quand notre vie terrestre sera terminée, mais c’est d’abord la rencontre avec le Dieu de la vie, ici et maintenant.  Ce que la Bible nous annonce, à nous qui vivons et mourons dans un monde qui meurt, c'est que Dieu s'offre à nous comme le bon berger à ses brebis, il nous offre son compagnonnage, sa présence, son attention, il nous accueille malgré nos fausse routes, nos erreurs d’aiguillage, dans son amour de père prodigue. Il vient même nous chercher dans nos impasses.

Il y a notre attente, notre espérance marquée de notre égoïsme naturel, de notre incapacité à entrevoir le Royaume de Dieu, et de notre peu d'envie de dépendre de quelqu'un d'autre… même si c’est le Christ.

Il y aussi notre attente marquée de la bonne nouvelle de l’Avent : croire que notre espérance sera comblée, si nous continuons d’espérer ! À l'approche de Noël, il s’agit juste d'ouvrir nos yeux à une lumière encore invisible, ou tout du moins, discrète, comme cette petite bougie, mais qui prétend éclairer au-delà de ce que nous sommes, au-delà de ce que nous voyons, au-delà même, de ce que nous vivons.

Amen.

Agnès, le 2 décembre 2018.

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