La Bible, une lampe à nos pieds, une lumière sur notre chemin
31 octobre 2018

La Bible, une lampe à nos pieds, une lumière sur notre chemin

Prédicateur:
Passage: Luc 24:13-35
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Chers frères et sœurs, chers Amis,

Nous sommes le dimanche de Pâques, ce même jour où les femmes sont revenues du tombeau annoncer aux disciples que Jésus était vivant !  Parmi les disciples, il y en a deux qui ont entendu ce que les femmes ont dit, le matin même, mais ils n’ont pas compris. Ils ne savent plus où ils en sont. Tout s’est passé si vite depuis une semaine ! Après l’accueil triomphal de Jésus entrant à Jérusalem, les deux disciples de notre histoire ont assisté à l’horreur suprême, à laquelle ils n’étaient pas préparés : la crucifixion et la mort de leur maître, en qui ils avaient placé leur confiance et leur espoir. Maintenant c’est terminé.  C’est pourquoi ils quittent Jérusalem et prennent la route d’Emmaüs.  On ne sait pas où se trouve Emmaüs sur la carte d’Israël. Les archéologues ont du mal avec les précisions du texte qu’ils ne retrouvent dans la géographie. Un village, 60 stades de Jérusalem, on va dire entre 11 et 12 km. En tout cas, l’important à ce moment-là, c’est de quitter Jérusalem, parce qu’il n’y a plus rien à y faire. Les disciples partent, mais au fond on pourrait dire qu’ils fuient.  Ils partent n’importe où, pourvu que ce soit loin de Jérusalem ! Et ils emportent avec eux leur chagrin, leur déception, leur désespérance. Ils se sentent seuls et abandonnés.

 

Tous les événements qu’ils viennent de vivre, les travaillent.

Les disciples s’interrogent mutuellement sur le sens des événements qui viennent d’avoir lieu et ils ne trouvent, pour l’instant, aucune explication satisfaisante ! Et nous pouvons imaginer les questions qu’ils se posent : Pourquoi Jésus est-il mort sur cette croix ? Pourquoi n’est-il pas allé jusqu’au bout de ce qu’il annonçait, à savoir le rétablissement du royaume de Dieu ? Peut-être même que les disciples s’interrogent sur la présence de Dieu dans la vie de Jésus ? Il n’y a pas eu de miracle. Il est bien mort.  Dieu n’est pas intervenu ! Jésus avait-il assez de foi ?

Nous aussi, nous pouvons nous interroger sur la présence de Dieu dans notre vie, lorsque nous traversons des épreuves, des angoisses, des inquiétudes, des doutes, des remises en question. Est-ce que Dieu est là lorsque nous perdons un être cher ? Est-ce que Dieu est là dans le bouleversement de la vie des êtres humains à travers le monde, dans les guerres, dans les violences de tous genres, dans le chaos des tremblements de terre et de tout le malheur que cela engendre ?

La réponse n’est pas simple, et nous fait tourner en rond.

Les deux hommes marchent sur la route.  Ils sont rejoints par quelqu’un. C’est Jésus ressuscité qui s’approche d’eux, qui mêle ses pas à leur marche. Mais les disciples ne le reconnaissent pas. Seul le lecteur de ce passage est mis dans la confidence. Les disciples ont leurs yeux bien ouverts, mais ce n’est pas suffisant pour reconnaître Jésus. En tout cas, ils ne reconnaissent pas le Jésus qu’ils ont rencontré et côtoyé avant sa mort. C’est lui, mais autrement. C’est lui, mais ressuscité. Et la résurrection ne peut pas se voir à l’œil nu. Luther traduira ce passage par « les yeux des disciples sont retenus captifs », avec ce passif qui suggère que l’ouverture des yeux, va de pair avec celle du cœur, et que cela ne dépend de l’être humain, mais du don gracieux de Dieu. Il ne faut pas aller trop vite. Pas à pas.

L’inconnu, l’étranger, non seulement emboite le pas des disciples, mais il se mêle à leur conversation qui était sans aucun doute animée. Littéralement, Jésus dit : « Quelles sont ces paroles que vous vous décochez l’un à l’autre en marchant » ?

Les disciples s’arrêtent, l’air sombre. Ils sont stoppés dans leurs questions. Leur visage abattu montre qu’ils ont le cœur en berne. Et l’un des disciples, dont on apprend le nom, Cléopas, est surpris par la question de l’étranger.  On ne sait pas le nom de l’autre disciple. « Cela laisse la place libre pour que chacun puisse s’identifier à ce disciple anonyme, et s’investir dans la rencontre », selon une suggestion de Bruno Chenu, dans son dernier livre, écrit peu de temps avant sa mort, et consacré à ce passage d’Evangile.

 

L’étrange semble ignorer ce qui vient de se passer à Jérusalem et qui préoccupe les disciples. Et ils parlent de Jésus à cet inconnu. Ils lui transmettent tous les moments qu’ils ont vécus avec lui.   Jésus les laisse raconter à leur manière. Il veut comprendre le trouble et l’émotion des deux hommes. Ce qui importe, ce ne sont pas les événements tels qu’ils se sont objectivement passés, mais comment ils ont rejoint les deux disciples dans leur réalité bien concrète.  Et nous cheminons avec eux parlant de Jésus de Nazareth, prophète puissant en actes et en paroles, devant Dieu et devant le peuple. Chacun cherche à percer l’identité de Jésus. Jusqu’à exprimer leur déception profonde : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ».  Comme bien d’autres, Cléopas et son ami avaient cheminé avec Jésus. Ils avaient entendu sa prédication, ils avaient été témoins de ses miracles, ils avaient assisté à ses controverses avec les docteurs de la loi. Ils avaient même entendu ce message de libération que Jésus avait apporté, même si parfois, Jésus avait du bien les déranger, quand, par exemple :

il guérissait le jour du sabbat; il se laissait approcher par les lépreux; il allégeait les pesanteurs de la loi; il se faisait proche des pauvres et des petits;

il avait accueilli le centurion et exaucé la prière d’une païenne,

il faisait bon accueil aux publicains et aux pécheurs…

Est-ce que tout cela ne faisait pas écho à certaines prophéties annoncées par les prédécesseurs de Jésus ?  Mais c’était il y a si longtemps, ces prophéties ! Et puis c’était à une autre époque ! Rien à avoir avec ce qu’ils étaient en train de vivre, aujourd’hui !

Et puis, forcément ce n’était pas le bon Messie, puisque même les chefs des prêtres et les dirigeants l’avaient livré, et fait condamner à mort et crucifié ».  Les disciples pensent sûrement qu’ils ont mis leur espoir dans quelqu’un, qui, quelque part, les avait trompés.

Les disciples ne font pas le lien entre ce qui a été annoncé et ce qui s’est passé. C’est la mort de Jésus qui bloque leur réflexion. La relation à leur maître n’existe plus.

Nous pouvons aussi nous poser la question par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui. Nous avons mis notre espoir, notre espérance en Dieu, et en Jésus-Christ.  Ne sommes-nous pas, nous aussi, par moments, des déçus de l’Evangile, des déçus de Jésus-Christ, peut-être parce qu’il ne correspond pas à ce que nous attendons de lui ? Ne sommes-nous pas bloqués dans notre foi par sa mort entre deux brigands ?

Et par ailleurs, ne sommes-nous pas inquiets, tiraillés, perplexes devant notre monde actuel ? Est-ce que nous ne nous sentons pas trompés, quelque part devant le fonctionnement de l’Eglise universelle aujourd’hui ?

Dire que nous sommes déçus, c’est dire la distance qu’il y a entre ce que nous avions rêvé dans l’absolu, et notre réalité d’aujourd’hui.

Y a –il seulement encore un peu d’espérance ?

Oui il y en a, mais c’est très petit, comme l’expriment Cléopas et son ami. Et c’est là que le discours des disciples prend une autre tournure. Il y a l’émergence de souvenirs plus récents qui sont déjà signes d’espérance. « À vrai dire, nous avons été bouleversés… Des femmes sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps et elles prétendent avoir vu des anges qui le disent vivant ».

Devant ce témoignage, la première réaction des disciples avait été négative : « Ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas » (Luc 24,11).

Et nous ? Pouvons-nous entrevoir des signes d’espérance dans le monde et dans l’Eglise aujourd’hui ?

Pouvons-nous poser un second regard, moins superficiel, plus profond, qui nous permettrait de discerner la présence de quelque chose d’autre ?  Au-delà de nos inquiétudes, de nos démissions, de nos doutes, est ce que nous entendons le témoignage des prophètes d’hier et les mises en garde de ceux d’aujourd’hui, sans penser qu’ils radotent ? Esaïe ne disait-il déjà aux personnes désespérées de son temps : « Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » (Es 43/19) Et est-ce que nous nous souvenons, ici et maintenant, des paroles de l’Apocalypse qui annonce cette espérance : Et voici, je fais toute choses nouvelles » ? (Ap. 21/5).

Cléopas et son ami ne passent pas sous silence les événements du matin de ce même jour.  Ils sont bouleversés par ce qu’ont dit les femmes. Mais comme elles n’ont rien vu et que les autres disciples n’ont rien vu non plus, ils ne sont pas convaincus. Il n’y a aucune preuve que Jésus est vivant.

Et voilà que L’étranger, l’inconnu, prend la parole. Il a écouté les disciples raconter leur désarroi et rappeler à leur mémoire le récent témoignage des femmes. Maintenant, il dirige la discussion et il s’adresse à deux hommes qui ont pris conscience de leur situation concrète. Il les rejoint, ici et maintenant, là où ils en sont. Et Jésus n’y va pas de main morte, il commence par une réprimande sévère : « Hommes inintelligents ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! »

Il ne leur dit pas que leurs yeux sont aveugles, mais que leurs cœurs et leurs intelligences sont fermés. La foi n’a pas encore fait son chemin en eux.

Il leur ouvre l’esprit pour les aider à relire la Parole qu’ils connaissaient bien, mais qu’ils comprenaient si mal. Jésus leur fait comprendre le destin tragique, tout en leur faisant découvrir que ce qui avait été annoncé autrefois, a été accompli en lui. Et résumé dans cette question :

« Ne fallait-il pas que le Christ, souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire » ?  Jésus dévoile ici un nouveau Messie, selon le dessein de Dieu, un Messie souffrant qui a de quoi surprendre et bouleverser. A l’époque de Jésus, cela n’était pas envisagé.

« Pour entrer dans sa gloire » ?

La gloire est un gros mot du vocabulaire biblique. Ce mot désigne le poids, la lourdeur, ou la densité de Dieu. Il ne peut pas y avoir de résurrection sans mort. Jésus inaugure ce chemin allant de la mort à la gloire. Et c’est dans cette gloire qu’il apparaît aux deux disciples.  Et tout en marchant avec eux, Jésus se livre à un exercice d’interprétation. Il les aide à discerner ce qui parle de lui dans les Ecritures, en commençant par Moïse et les prophètes.

Les disciples connaissaient le sens littéral des Ecritures, tout ce qui se rapportait à Moïse, et à l’histoire d’Israël.  Il leur livre le sens caché qui approfondit le sens littéral. Les disciples ont sûrement trituré le contenu des textes qu’ils connaissaient, pour l’actualiser dans leur propre vie. Leur cœur et leur intelligence ont commencé à s’ouvrir. C’est sans doute cela, « lire la Bible » …Elargir son espace de compréhension.

Aujourd’hui, nous vivons un moment de l’histoire de l’Église où la Bible nous est donnée en abondance et en toute liberté, en tout cas, dans notre pays.  Nous la travaillons en groupe, avec d’autres chrétiens, et ensemble nous essayons d’y discerner, avec l’aide du Saint-Esprit, une Parole qui donnera du sens à notre vie. Bien sûr nous pouvons lire la Bible littéralement, d’un bout à l’autre. Mais notre lecture ne pourra être féconde que si nous ne la résumons pas à des réponses toutes faites. Si nous prenons le temps de l’actualiser dans le concret de nos existences, alors elle sera vraiment une lampe à nos pieds, une lumière sur notre chemin.

Les disciples ont continué leur chemin jusqu’à l’auberge avec cet inconnu qui, au départ, n’était qu’un étranger pour eux.  L’étranger, c’est celui qu’on ne reconnaît pas. Les disciples d’Emmaüs ont cheminé avec Jésus, sans le reconnaître, tout en ne parlant que de lui. Ils espéraient que Jésus les délivrerait. Et c’est ce qui se passe, mais d’une façon totalement inattendue. Jésus, en effet, les conduit sur une nouvelle route, celle de la rencontre avec eux-mêmes, en s’asseyant à la table de l’auberge.

En reconnaissant Jésus, au pain rompu, il disparaît à leurs yeux, mais ils ne se sentent plus seuls.  Ils sont habités par une présence invisible, qui ne les quittera plus jamais. Ils ne seront jamais plus étrangers à eux-mêmes, ni au monde.

Et les disciples se sont retrouvés dans la même situation que nous aujourd’hui : une présence invisible symbolisée par l’hospitalité : « Reste avec nous », par du pain et du vin à partager, ceci est mon corps, ceci est mon sang, et une parole à lire, à travailler, à discerner, à prier, et à transmettre avec ce sentiment indicible de ne plus se sentir seuls.

Les disciples ne sont pas restés à l’auberge d’Emmaüs. Ils se sont levés, qui est un des verbes de l’Evangile pour dire la résurrection. Ils sont retournés à Jérusalem, dans la nuit. Je les imagine marchant d’un pas assuré. Ils savent où ils vont. Car même en pleine nuit, pour eux, il fait jour

Agnès, le 31 octobre 2018.
Culte régional de la Réformation Eglise luthérienne Saint Marcel

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