Vous êtes la lumière du monde
9 février 2020

Vous êtes la lumière du monde

Prédicateur:
Passage: Matthieu 5:13-16
Type De Service:

Le sermon sur la montagne est souvent considéré, à juste titre, comme le cœur de l’enseignement de Jésus. Parmi les formules choc qu’il contient, car Jésus savait être un bon communicant, il y a bien sûr les béatitudes qui ouvrent le chapitre 5 de Matthieu et immédiatement après ces deux images, vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. C’est en particulier sur cette dernière phrase que je vous propose de nous arrêter ce matin. Mais commençons par une lecture attentive de ce bref passage.

 

  1. Deux images fortes :

Comme dans les paraboles, Jésus fait appel à des expériences de la vie courante pour se faire comprendre. Chaque jour nous utilisons du sel, chaque matin nous guettons le jour pour éteindre la lumière électrique qui viendra nous éclairer le soir tombé. Aussi le risque pour nous est de passer trop vite sur le texte parce qu’il nous semble trop simple et trop familier. J’ai retenu 4 remarques pour le mettre en relief.

  1. vous êtes :

Jésus s’adresse à ceux qui l’ont suivi, à nous chrétiens d’aujourd’hui en affirmant au présent de l’indicatif : « vous êtes ». Il ne s’agit pas d’une exhortation, d’un ordre, d’un impératif comme « soyez ». Non il s’agit d’un constat, d’une réalité qui n’a pas à être discutée. C’est vrai que les béatitudes sont aussi des affirmations directes et que Jésus enseigne avec l’autorité de sa nature divine.

Et nous qui recevons cette parole comment devons-nous la prendre ? Nous sommes… et si Jésus nous le rappelle, c’est peut-être parce que nous avons tendance à l’oublier, peut-être parce que nous avons besoin d’être rassurés pour assumer. J’entends dans cet indicatif une manifestation de pensée positive destinée à effacer les doutes qui incitent trop souvent à la procrastination.

Mais ce vous êtes résonne aussi comme une lettre de mission qui nous est donnée. En effet, Jésus rappelle que le sel comme la lumière ont une fonction et que s’il perd sa saveur ou si elle ne rayonne pas alors ils sont sans utilité et bons à jeter. Nous sommes le sel et la lumière et notre devoir est donc de remplir notre rôle. En avant ! C’est ainsi que Chouraqui a traduit le « Heureux » des béatitudes, c’est aussi cet appel à l’action que nous adresse Jésus ici comme dans l’ensemble du sermon sur la montagne et de son enseignement.

 

  1. la terre et le monde :

Vous l’avez peut-être remarqué nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde. En grec il s’agit de Gè et Kosmos. Notre vocation est donc universelle. La terre, gè, c’est déjà plus que l’oicoumenè, la terre habitée ; et le cosmos, c’est l’univers organisé, c’est initialement l’ordre établi, on peut comprendre le monde résultant de la création divine. On peut y voir une référence aux deux royaumes, terrestre et céleste, qui nous sont ouverts. Notre mission c’est donc de donner du goût à tout ce qui est entrepris sur la terre et à illuminer tout l’univers. No limit ! diraient nos frères américains.

  1. le sel et la lumière :

L’une des caractéristiques communes au sel et à la lumière, c’est que leur présence même minime se diffuse largement. Quelques grains de sel suffisent à magnifier la saveur des aliments et une humble chandelle fait reculer l’obscurité sur plusieurs mètres et est visible de beaucoup plus loin. Comme le sel et comme la lumière, l’amour du prochain change la vie du chrétien et par contagion positive de ceux qui l’entourent. Toutefois, Jésus ne nous dit pas que nous sommes des passeurs de sel ou des porteurs de lumière, il n’utilise pas un partitif mais nous reconnaît le fait d’être le sel et la lumière dont tous ont besoin. Nous sommes la source et les détenteurs uniques d’un trésor qu’il nous faut partager et faire fructifier. De même que lorsqu’il dit je suis le chemin la vérité et la vie, Jésus indique qu’il n’y a pas d’autre voie de salut, de même ici il dit clairement à tous ses disciples, à tous les chrétiens sans acception d’appartenance ecclésiale qu’ils sont, que nous sommes irremplaçables… et que nous devons donc assumer notre mission. Si j’osais je ferais référence à cette image de l’oncle Sam disant « I need you ! j’ai besoin de vous ! »’ pour convaincre les jeunes américains en 1943 de s’engager dans l’armée

  1. l’excès insupportable :

Ma dernière remarque concerne une autre caractéristique commune au sel et à la lumière : la nécessité d’en user avec modération. Jésus mentionne que le sel qui a perdu sa saveur est bon à être foulé et à son époque on utilisait le sel non seulement pour donner de la saveur mais aussi pour conserver ou pour désinfecter. Mais à l’inverse si le cuisinier a la main trop lourde sur le sel, parfois on dit que c’est un signe d’inattention qui montre qu’il est amoureux, le plat deviendra vite immangeable ; il sera bon à jeter. Il en est de même pour la lumière dont l’excès éblouit, aveugle même. Sachons faire bon usage du trésor que nous représentons et évitons de dénaturer le goût ou d’empêcher la vision autour de nous tant par excès que par défaut de recours au sel ou à la lumière.

 

Autant les 3 premières remarques que j’ai résumées en 3 injonctions : En avant ! No limit ! et J’ai besoin de vous ! résultent d’une lecture attentive du texte, autant la dernière sur l’appel à la modération constitue un commentaire personnel. C’est un peu embêtant : ne suis-je pas déjà en train de réduire l’impact de la parole de Jésus ? Ne vais-je pas rejoindre la cohorte des tièdes, ceux que Dieu vomit ? C’est le risque du prédicateur et j’en prends un autre en commentant maintenant l’image de la lumière dans l’évangile.

 

  1. La lumière de l’évangile :

En fait, je vais m’appuyer sur certains passages de l’évangile et en premier lieu le prologue de Jean pour nous éclairer en essayant de faire resplendir la lumière de la bonne nouvelle. La lumière de l’évangile donc plus que la lumière dans l’évangile, un cheminement en 3 étapes : Jean, Pâques et la Réforme.

  1. le prologue de Jean

Les 4 premiers versets du prologue de Jean posent un certain nombre d’équivalences. Au commencement était la Parole… La Parole était Dieu… En elle, la Parole, était la vie et la vie était la lumière des hommes. On retrouve donc la Parole, Dieu, la Vie et la Lumière intimement liées, peut être facettes d’une même réalité. Ce n’est pas un hasard si la mission évangélique tzigane en France a pour nom Vie et Lumière. Les versets 6 à 13 sont consacrés à la lumière et après de 14 à 18 à la Parole faite chair en Jésus venu habiter parmi les hommes. A propos de la lumière, nous comprenons dans les versets 6 à 13 que Jésus est la vraie lumière, annoncée par Jean le Baptiste, qu’il est venu vivre parmi les hommes qui l’ont rejeté. Et celui qui accepte et reçoit cette lumière, qui croit en Jésus qui l’incarne devient enfant de Dieu (c’et au verset 12), par la grâce de Dieu seule.

Les rôles sont clairs : Jésus est la vraie lumière celle de Dieu ; il l’affirme lui-même, « je suis la lumière du monde » à plusieurs reprises dans l’évangile de Jean ; il a été lumière venue dans le monde pour éclairer les hommes ; ses disciples au nombre desquels nous sommes sont lumière du monde depuis l’Ascension et la Pentecôte. Nous sommes les dépositaires de la lumière de Dieu et Jésus nous enjoint de la faire briller jusqu’à son retour. Avec le psalmiste (Ps 119) nous pouvons dire que la Parole de Dieu est une lampe à nos pieds et une lumière sur notre sentier.

  1. le soleil du dimanche de Pâques

Pour moi, le matin de Pâques est un jour de clarté. Il me semble normal que le vendredi saint soit gris, pluvieux et revêche, rappelant ainsi l’obscurité tombée sur la terre de la sixième à la neuvième heure avant que Jésus expire et que le voile du temple se déchire.  Rien cependant n’indique le temps qu’il fait le dimanche matin, les évangiles nous disent comment les femmes sont surprises en se présentant avec leurs aromates devant le tombeau. Mais je suis sûr qu’il faisait beau.

A vrai dire dans ma mémoire, le jour de Pâques, il y a toujours eu dans le temple de Saint Christol lès Alès où nous étions en vacances, un rayon de soleil pour venir éclairer la croix, la croix vide, au moment où le Pasteur annonçait la grande nouvelle : la pierre était roulée, le tombeau était vide, la mort était vaincue ! Oui, dans ma mémoire c’était chaque année le même sermon et cela me fait du bien de penser qu’il en est toujours ainsi. A Pâques la lumière resplendit dans nos cœurs et dans l’univers, puisque c’est notre rôle de la faire briller… indépendamment de la météo.

  1. la Réforme renverse le boisseau

Si j’avais une maitrise de la technique suffisante, j’aurais pu projeter l’image d’une médaille allemande commémorant en 1617 le centenaire de l’affichage des thèses de Luther à Wittenberg. On y voit une table dans une pièce austère sans aucun décorum sur laquelle repose un chandelier portant une lumière et un livre ouvert, une bible bien sûr ; au sol se trouve un seau en bois renversé, c’est le boisseau. C’est une image très parlante de la Réforme.

Nous, protestants, ne prétendons pas être les premiers à avoir compris la Parole par notre étude renouvelée de la bible. Non, nous assumons et respectons le travail et le martyre de nos ancêtres pères de l’Eglise et Saints, mais nous nous sommes rebellés face à l’institution ecclésiale qui a recouvert la lumière de la Parole par la multiplication des rites et des dogmes qui l’ont édulcorée, déformée ou dénaturée jusqu’à la rendre illisible. Les réformateurs ont su ôter le boisseau pour que la lumière rayonne à nouveau. L’Eglise protestante s’inscrit dans l’histoire de la chrétienté avec sa spécificité de retour à la simplicité et à l’affirmation de la grâce première de Dieu : sola gratia, sola fide, sola scriptura.

L’évangile du jour appelle à ne pas renier la grande respiration que la Réforme a procurée au christianisme et souhaitons que notre présence, malgré notre faible nombre, continue à faire briller la lumière de l’évangile sans crainte d’aveuglement.

Amen.

Frédéric Bompaire, le 9 février 2020.

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