« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »
11 novembre 2018

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »

Prédicateur:
Passage: Jean 14:27
Type De Service:

Amis, Frères et Sœurs, nous nous souvenons, dans le plus grand respect, du 100ème anniversaire de la signature de l’armistice de la 1ère guerre mondiale. Tous les cimetières du Nord et de l’Est de la France et tous les monuments aux morts, restent les témoins d’une humanité déchirée. Ils rappellent avec force le passé douloureux de ces régions, et par voie de conséquence, de notre pays, de notre Europe, de notre monde.  Ils permettent de ne pas oublier ces hommes morts au combat dans d’atroces souffrances et dans une tourmente inimaginable, pour que nous soyons libres, tout « simplement », et pour que les générations qui suivraient cette guerre, puissent avoir le droit à la paix, à la vie et à la justice.

« Le 11 novembre 1918, à 11h, l’écho des clairons et des cloches annonçait à la France la fin d’un calvaire de quatre années, d’un conflit interminable dans la brutalité et la boue… jusqu’aux derniers instants, la mort aura accompli son œuvre. A 10h45, Augustin Trébuchon fut le dernier soldat français à tomber au combat. A 10h59, Henry Gunther, soldat américain, obtint l’effroyable honneur d’être l’ultime perte combattante du conflit. Ces deux hommes sont les lignes finales d’une glaçante comptabilité. La Première Guerre mondiale aura dévoré près de 19 millions d’individus, dont près de 10 millions de combattants… Ces morts et les survivants, forment une cohorte de héros inconnus… Chaque année, le 11 novembre réunit à leur souvenir celui de tous ceux tombés pour la France. Leur mémoire doit brûler dans nos consciences non pas seulement comme une douleur, mais comme un devoir. Il y a cent ans, l’Europe se réveillait étourdie par la folie meurtrière à laquelle elle s’était livrée. La paix lui fut-elle donnée ? Ils l’espérèrent. Nous savons qu’elle ne le fut pas. L’armistice n’est pas la paix, mais le silence des armes et une mauvaise paix, telle que celle écrite à Versailles en 1919, n’est jamais qu’un armistice travesti. Seule une paix authentique est à la hauteur de la mémoire de nos soldats ». (Maxime Michelet, Evangile et Liberté 323, nov.2018).

L’histoire de notre pays et de notre monde nous montre à quel point la paix est fragile et le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui nous rappelle combien la réalité humaine actuelle est bien différente de l’espérance pour laquelle les soldats de la 1ère guerre mondiale sont morts.

La volonté de puissance, la domination sur l’autre, l’appel à la haine et à l’isolation, la pression économique, un certain refus du partage, le fanatisme religieux ou idéologique sont les démons qui menacent l’équilibre de notre société et de notre monde.

Aujourd’hui, nous nous tournons vers les familles qui pleurent des êtres perdus, soit au moment de cette guerre, soit au cours des autres guerres qui ont suivi. Nous nous tournons aussi, avec considération vers toutes les personnes qui ont survécu aux autres guerres, meurtries à tout jamais dans leur corps et dans leur cœur.

Nous sommes aussi invités à entendre cette parole d’Evangile : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne »…

Que signifient ces mots, simples en apparence ?

Avoir la paix ou être dans la paix, sont souvent considérées comme un idéal de vie qui dépend à la fois de soi et des autres ; avoir la paix signifie plutôt vivre dans la tranquillité, le calme, le silence, loin de toute forme d’agression. Mais comment trouver la paix dans des conditions d’existence si peu favorables pour certains, dans notre monde si bouleversé et perturbé ?

La paix des hommes n’est construite que par des hommes. Elle n’est souvent qu’un équilibre précaire, entre des nations ou des peuples, obtenue le plus souvent après de terribles sacrifices. Simple neutralisation des tensions, scellée par un armistice ou un traité, la paix des hommes est souvent temporaire, incertaine, vulnérable.

La paix donnée par le Christ est autre chose que la paix humaine.

La paix qu’il donne, qu’il nous donne, est basée sur la relation que chacun peut avoir avec Dieu, et avec son prochain. La paix qu’il donne, prend sa source dans la Parole, qui révèle cette attention à l’autre, résumée par ces mots : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est d’abord un état d’esprit. Chacun veille sur l’autre pour qu’il ne manque de rien. En réciprocité.  C’est alors, faire le choix de combattre les inégalités dans tous les domaines et rétablir l’équilibre, qui commence par la dignité de chacun. C’est la responsabilité de chacun. Que chacun puisse se sentir accueilli, aimé, regardé, reconnu, considéré, pour pourvoir pardonner, et peut-être, si c’est possible, surmonter les humiliations subies, à défaut de les oublier.

Aujourd’hui, nous faisons bien de nous souvenir, mais comment faire aussi de cette journée du 11 novembre quelque chose qui serve à la génération qui vient :

Que, ce que nous appelons, « devoir de mémoire » nous donne de regarder lucidement les inégalités actuelles de notre pays et de les combattre courageusement.

Que nous soit donnée aussi la force de témoigner des progrès du dialogue entre les confessions chrétiennes et du dialogue interreligieux.

Que cette journée d’armistice nous aide à dire à la jeune génération que les chrétiens peuvent prier ensemble, même si leurs opinions divergent, et que des juifs, des musulmans, des chrétiens et des non-croyants travaillent autant que faire se peut, à la construction de la fraternité.

Malgré toutes les tentations, nous ne voulons pas tomber dans le piège de cataloguer les races et de classifier les hommes en « bons » ou en « méchants ».

Nous ne voulons pas tomber dans le piège facile de la haine ou de la revanche à prendre. Par contre, nous voulons travailler à la paix, petit à petit, avec les femmes et les hommes de bonne volonté, quelle que soit leur place dans l’échelle de la société, dans le monde du travail, dans l’église universelle, ou dans les sphères de décisions, civiles ou militaires. Il faut juste que ces personnes aient le désir de construire un monde où tout être humain, quelle que soit sa religion et sa couleur de peau soit reconnu digne et soit considéré comme une personne à part entière. C’est la mission, je le crois, de notre république laïque, où chacun peut avoir sa place et être à sa place.

« En regardant le XXème siècle, la civilisation européenne s’est successivement effondrée dans deux barbaries sanguinaires. Des ruines de cette Europe de guerre s’est levée une Europe de paix. Mais sommes-nous certains de vivre en paix ? Si nous n’y prenons pas garde, cette paix pourrait un jour se révéler n’avoir été qu’un long armistice. Quelle plus grande injure y aurait-il pour nos prédécesseurs, sauvagement sacrifiés, que d’abîmer de nouveau l’Europe dans la division des peuples, le nationalisme et la guerre » ? (Maxime Michelet).

Heureusement, par nos rencontres œcuméniques et interreligieuses de ce matin, que ce soit à Issy les Moulineaux ou à Clamart, nous avons demandé à Dieu qu’il nous aide, lui qui est notre élan vital, notre force intérieure créatrice.   Nous voulons mettre en pratique cette Parole de Jésus-Christ que nous avons entendue dans l’Evangile selon Jean : je vous laisse la paix.

Dieu, en Jésus-Christ, donne sa paix,  sans cesse,  à la manière d’un fleuve qui ne tarit jamais. Il donne sa paix sans la reprendre. Il la donne sans condition, en nous aimant tels que nous sommes.  Nous pouvons donc la recevoir à tout moment, en nous tournant vers lui, en toute confiance et sans avoir peur. En accueillant sa présence dans nos vies, en gardant sa Parole dans nos cœurs, nous nous découvrirons  pacifiés à l’intérieur, et  délivrés de faire nos preuves à chaque instant.

Amen.

Agnès, le 11 novembre 2018.

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