Le protestantisme aujourd’hui
Le protestantisme français est minoritaire et divisé. Ce premier caractère, il le doit à un échec originel : celui de pas avoir rallié à ses vues la monarchie française à ses débuts
En 1559, date du 1er Synode national, les Eglises réformées rassemblent 20% des sujets du royaume : elles ne dépasseront jamais ce chiffre. Les Guerres de Religion, la liberté surveillée et rapidement rognée de l’Edit de Nantes et les féroces persécutions de Louis XIV le menacèrent d’une quasi extinction. Rescapée par l’opiniâtreté des protestants du Désert, soutenue par les Huguenots du Refuge, la foi réformée resta ultra minoritaire, sauf dans les territoires aux marges de la France (Alsace et pays de Montbéliard, où avait fleuri le luthéranisme). nisi.
Edit de tolérance de 1787.
La période du Concordat (1802-1905) fut celle d’une reconstruction des Églises, mais sous le contrôle étroit de l’État : elles n’obtinrent le droit de se réunir en Synode qu’en 1872, soit plus de deux siècles après le dernier Synode de 1659. Cette situation favorisa les divisions théologiques, qui perdurèrent, faute d’instance arbitrale : il fallut 66 ans pour réunir les courants réformés au sein de l’Église Réformée de France (1938) dotée d’une Déclaration de Foi commune. Parallèlement, le 19e siècle fut celui d’un réveil et d’une activité missionnaire intense, qui favorisèrent de nouveaux courants, baptistes, libristes, salutistes, méthodistes, etc. aboutissant à la création de nouvelles Églises non concordataires. C’est précisément l’expérience de ces Églises indépendantes de l’État qui fit que les protestants acceptèrent et même appuyèrent la Séparation des Églises et de l’État en 1905, à la différence de l’Église catholique qui vécut cette rupture comme un drame. Mais pour pallier cette faiblesse structurelle due à leur situation minoritaire et à leurs divisions, se constitua la Fédération Protestante de France dès 1905. Elle demeure la vitrine majeure du protestantisme en France et l’interlocutrice de l’État républicain. Mais parce qu’elle est souvent confondue avec le courant réformé longtemps hégémonique, on ne perçoit pas assez que la FPF est une union d’Églises, d’oeuvres et de mouvements qui diffèrent par leur histoire et leur théologie. La FPF compte de nombreuses Églises évangéliques ou pentecôtistes en débat permanent avec la majorité luthéro-réformée.
« Ce que je vois dans la religion, ce n’est pas le mystère de l’Incarnation, c’est le mystère de l’ordre social » Napoléon Bonaparte
Depuis 1945, le protestantisme français se renouvelle et change, de par le dynamisme du courant évangélique. Ses Églises se multiplient et montrent une vraie capacité à attirer de nouveaux publics de fidèles, issus des milieux populaires. Ce succès, mais aussi les divisions de ces Eglises nouvelles les ont conduites à constituer une FPF parallèle en 2010 sous le nom de Conseil National des Evangéliques de France. Celui-ci assume un positionnement théologique particulier, fondé sur une lecture littérale de la Bible et un refus fréquent des évolutions sociales, comme l’acceptation de l’homosexualité. Mais si certains membres du CNEF coupent les ponts avec la FPF, d’autres maintiennent une double appartenance, lieu alors d’un possible dialogue. Le protestantisme français constitue donc aujourd’hui dans sa diversité un paradoxe : ses courants les plus en phase avec la société (démocratie, parité hommes femmes, liberté des choix sexuels…) sont ceux représentés par des Églises historiques vieillissantes, parfois inquiètes pour leur avenir. Les courants conservateurs et normatifs sont ceux qui montrent le plus de dynamisme et qui croissent le plus, en nombre d’Églises et de membres. Au point de devenir hégémonique ? Dieu seul le sait, mais à coup sûr, le protestantisme sera toujours un débat…
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