« Voici le sang de l’alliance »
Alors que nous sommes en plein dans le temps de la Pentecôte, du don de l’Esprit Saint aux disciples, voici que les textes bibliques de ce matin nous renvoient, en tout cas pour l’Evangile, à la fête des Rameaux, avec cette entrée de Jésus à Jérusalem, et le partage du dernier repas de Jésus avec ses disciples, avec l’institution même de la Cène !
Quel est le fil conducteur des trois textes que nous venons d’entendre ? C’est le mot alliance. C’est la clé de lecture de nos trois textes.
La Bible, c’est l’histoire des hommes avec Dieu. C’est aussi l’histoire de Dieu avec les hommes, et on pourrait dire que toute cette histoire, complexe, avec des hauts et des bas, peut se lire avec les lunettes de l’alliance, que Dieu fait avec son peuple, jusqu’à nous aujourd’hui, et celles des ruptures d’alliance de la part des êtres humains, vis-à-vis de Dieu.
Le mot alliance revient environ 350 fois dans la Bible. Et dans la majeure partie des cas, l’alliance est l’initiative de Dieu, sa proposition première, qui devient son acte inaliénable.
L’alliance, c’est le tissage patient mais aussi passionné de l’histoire d’amour de Dieu avec son peuple. Dieu depuis le commencement du monde, a choisi de prendre les êtres humains comme partenaires de son alliance. Et lorsque les êtres humains rompent ce pacte, ce n’est jamais vraiment fini, car Dieu finit toujours par remettre le canevas de l’alliance sur le métier à tisser de son amour. Son alliance est toujours offerte d’une part, et d’autre part, nous sommes libres, et nous restons libres d’y adhérer ou non. Et si nous disons NON, nous ne sommes exclus de son amour pour autant. Notre possibilité de vivre de cette alliance, est simplement différé. Dieu prendre le temps et le soin de re-proposer inlassablement son alliance.
Veux-tu faire alliance avec moi demande Dieu à l’homme ? Veux-tu choisir la vie avec moi ? Il n’aura de cesse de demander, encore et encore : veux-tu me suivre ? Plus tard Jésus dira : viens et suis-moi. C’est la même chose, sous une autre forme.
Il y a bien sûr l’alliance que Dieu scelle avec son peuple à la sortie d’Egypte, par les Dix commandements qu’il donne à Moïse sur le Mont Sinaï. Dans le texte que nous venons d’entendre, nous sommes témoins d’une pratique un peu surprenante, quand Moïse asperge le peuple avec le sang des taureaux qui servent à l’holocauste. Si ce rite ne nous dit rien, en revanche la parole que nous avons entendue nous dit quelque chose : Voici le sang de l’alliance, que sur la base de ces paroles, le Seigneur a conclu avec vous. C’est bien Dieu qui a l’initiative de cette alliance.
Le texte nous dit aussi que Moïse a lu les dix commandements et aussi tous les commandements qui en découlent et le peuple a promis de les mettre en pratique. Littéralement, il est écrit : nous ferons et nous comprendrons. Ou encore nous ferons, et nous obéirons. Il s’agit de pratiquer et comprendre ensuite. C’est sans doute pour cela que le judaïsme est aussi attentif à la pratique des commandements. Faites les commandements de Dieu. Ensuite, vous comprendrez. Ici, c’est la pratique qui travaille la réflexion et non l’inverse. Cela peut faire penser à une pratique au premier degré, pratique sans réfléchir, obéir sans réfléchir, mais ce serait oublier l’amour qui accompagne cette pratique. Les commandements de Dieu ne sont pas là pour mettre de l’ordre dans la conduite des êtres humains, c’est aussi inviter les êtres humains à vivre selon la volonté d’amour de Dieu pour son peuple. Le tout en réciprocité. En cela, le Décalogue est un chemin de vie et non de contraintes seulement.
Au fond, quand Jésus institue le dernier repas, la veille de sa mort, il s’agit de quelque chose du même ordre. Ce n’est pas sûr que les disciples, autour de la table du repas de la Pâque, aient bien compris sur le moment ce que Jésus était de faire et de dire. Ils ont partagé le pain et le vin de la Cène, avant de comprendre exactement ce que cela voulait dire. Cela se passe le jeudi soir, dans la nuit, avant son arrestation. Ils n’imaginent pas vraiment que Jésus va être arrêté ni qu’il va mourir. Sans doute qu’aux pieds de la croix, ils ont oublié toutes ces paroles et ces gestes. Cela leur reviendra après la résurrection. Certains auront besoin de cheminer jusqu’à l’auberge d’Emmaüs pour se rappeler ce qu’ils ont partagé avec Jésus ce soir-là. Voici que les gestes de Jésus apparemment banals prennent un sens nouveau, qui sera retraduit sous forme liturgique par l’église primitive.
Voici le sang de l’alliance répandu pour la multitude, avons-nous entendu dans l’Evangile de Marc.
Ce sang de l’alliance fait écho au sang de l’alliance, déjà prononcée par Moïse au mont Sinaï, au moment où le peuple hébreu a accepté les Dix commandements, la Torah. Jésus a réactualisé ces paroles.
Moïse a aspergé le sang des sacrifices moitié sur l’autel qui symbolise Dieu, moitié sur le peuple. Le sang de l’alliance se trouve donc des deux côtés, celui de Dieu, symbolisé par l’autel et celui du peuple. Dieu fait donc alliance avec son peuple, Israël, et par ce geste, il faut comprendre que cette alliance ne sera jamais rompue.
Dans le troisième passage que nous avons lu, la lettre aux Hébreux, c’est aussi et ainsi que l’auteur de cette lettre a compris la mort de Jésus. Il compare la mort de Jésus sur la croix à un sacrifice dans le sanctuaire, sauf que c’est son propre sang, autrement dit, c’est sa propre vie que Jésus a offert, à la place des taureaux prévus pour cela. Dans la lettre aux Hébreux, qui n’est pas si facile que cela à comprendre, se trouve la compréhension de la mort de Jésus comme étant le sacrifice suprême. Paul dira ailleurs le sacrifice unique et parfait. Qui donne à l’alliance que Dieu fait avec les hommes une sorte de durabilité, de stabilité, et même d’authentification.
Bien sûr l’auteur de la lettre aux hébreux écrit avec les images de son contexte personnel, propre au judaïsme, avec ses rituels que nous connaissons de loin, mais qui nous sont pour la plupart étrangers. Mais nous savons qu’avec Jésus-Christ, nous sommes passés de l’ancienne, ou du moins de la première alliance, inauguré par Moïse, à la nouvelle ou à la seconde alliance, inaugurée et même accomplie en Jésus-Christ. C’est ce que nous rappelons chaque fois que nous partagerons la sainte-cène.
Il faut plus d’une prédication pour comprendre la valeur inestimable de ce repas que nous partageons chaque dimanche ou presque. Il ya des jours où nous le comprenons mieux que d’autres. Même sans comprendre, nous restons invités à son repas, où il nous attend. L’auteur du livre de l’Apocalypse écrira :
"Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui, et lui avec moi" Apocalypse 3:20.
Quelle que soit la compréhension que nous ayons de la sainte-cène, quelle soit aussi la compréhension que nous ayons de sa parole, de toute la Bible, de cette histoire d’alliance que Dieu ne cesse de faire avec les êtres humains, nous restons toujours les invités au repas du Seigneur.
Puissions nous croire, que ce pain que nous mangeons, et ce vin que nous buvons nous rappelle l’alliance de Dieu avec les hommes, au Sinaï, l’alliance de Dieu avec les hommes, sur le mont Golgotha, préludes de ce pain et de ce pain, que nous prendrons, un jour, avec lui, assis autour de la table éternelle.
Amen.
Agnès, le 3 juin 2018