« Pentecôte ? Fête de l’Esprit, fête de l’intimité ? »
Aujourd’hui c’est la fête de Pentecôte, c’est la fête du Saint-Esprit….Bon, une fois que j’ai dit ça….cela n’avance pas à grand-chose, car c’est la fête de l’invisible. Je m’explique.
A Noël, nous fêtons la naissance d’un enfant, avec des récits bien concrets que l’on peut facilement se représenter. Une étable, un bébé, des parents, des animaux, c’est vraiment quelque chose qui nous parle, parce que cela nous rejoint dans notre humanité. On est dans quelque chose disons, de naturel que l’on connaît. Nous échangeons plein de vœux à Noël et aussi des cadeaux, c’est une fête pleine de lumière, au cœur de l’hiver.
En avançant dans le temps, nous arrivons à Pâques, où on annonce que quelques femmes ont retrouvé un tombeau vidé de son occupant et, elles annoncent que Jésus est ressuscité. Qu’il est vivant. A ce moment-là, il nous faut faire tout de même un effort, pour accueillir ce qui est dit, parce que pour nous représenter ce que cela veut dire, c’est plus compliqué. Heureusement, il y a la tradition des œufs de Pâques en chocolat. On se salue bien avec cette expression Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, avec quelques messages de joyeuses Pâques, mais c’est déjà plus sobre, il faut bien le dire.
Quarante jours après, il y a la fête de l’Ascension. Qui d’entre nous a organisé un repas de famille pour cette fête ? Qui a envoyé des cartes de joyeuse Ascension ? C’est le jour où Jésus quitte ses disciples, il quitte vraiment le monde terrestre, il disparaît aux yeux des disciples comme à nos yeux. Loin des yeux, loin de cœur ? Jésus s’en doutait un peu. C’est pourquoi il promet la présence de l’Esprit Saint sur chacun de ses disciples, et c’est ce qui est envoyé, le jour de Pentecôte, comme cela nous est raconté dans le livre des Actes des Apôtres.
Mais comme vous le savez sans doute, les récits évangéliques sont au nombre de quatre. Ils racontent la même histoire sous des formes différentes, à la fois contradictoires et complémentaires. Et c’est ce qui nous permet de pouvoir fournir une prédication par semaine pour donner quelques explications !
Dans l’Evangile de Jean que nous venons d’entendre, nous sommes le dimanche de Pâques, au soir. Jésus, ressuscité, vient rendre visite à ses disciples. Il se retrouve auprès d’eux, nous dit le texte de l’Evangile de Jean, il leur montre ses mains et son côté. C’est bien lui. Et ce même soir, il souffla sur eux son Esprit, ce que nous appellerons par la suite : « l’Esprit Saint ». Les disciples reçoivent l’esprit saint, l’esprit de Jésus, sur eux, en eux. Pour eux, Pentecôte se passe le soir de Pâques. En toute discrétion.
Cela fait un grand contraste avec l’autre récit que nous venons aussi d’entendre, celui des Actes des Apôtres, un récit plus haut en couleurs, avec les flammes de feu et le vent violent qui s’abattent sur les disciples calfeutrés dans la chambre haute. (Actes 2, 1 à 11). Et nous avons coutume de dire que la fête de la Pentecôte est en quelque sorte, l’acte de naissance de l’Eglise, à cause de cet étrange phénomène, qui s’est produit : les disciples, mis en mouvement, projetés hors de la chambre haute, par une force indépendante de leur volonté, sont sortis de leur réserve pour annoncer ce qu’ils avaient reçu et compris de Jésus-Christ. Chacun fut étonné de les entendre parler dans sa langue maternelle, des merveilles de Dieu. Autrement dit, des personnes étrangères à l’univers de Jésus-Christ entendaient parler de lui par des hommes qui avaient perdu leur timidité, qui n’étaient plus coincés, ni dans leurs peurs, ni dans leur chambre haute, et qui ont partagé avec d’autres, ce qu’ils ne pouvaient plus garder pour eux-mêmes, ce qui les faisaient vivre intimement, en profondeur et en vérité. Ils annonçaient, dans un langage juste, un message qui leur parlait d’abord à eux et qui les faisait vivre au plus profond d’eux-mêmes et qui les rejoignait exactement là où ils en étaient. Ce fut le premier témoignage officiel, si je puis dire. Et l’Eglise est née de cet échange, de ce dialogue, parce qu’ils étaient dans une écoute qui petit à petit prenait tout son sens, et que cette écoute a produit une relation qui a porté du fruit : une situation dans laquelle chacun s’est senti porté et accueilli, une relation qui contenait au moins un des fruits de l’Esprit Saint comme le dira plus tard l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates : joie, paix, douceur, bienveillance, fidélité, compassion, amour, patience, maîtrise de soi (Galates 5/22).
Et aujourd’hui, qu’en est-il ? Combien d’entre nous avons envoyé un message de joyeuse fête de Pentecôte à sa famille, à ses amis ? Et qu’est ce qu’on peut offrir à Pentecôte sinon du vent ? A moins que ce ne soit du souffle ? Ou alors…un courant d’air ? Car c’est tout cela à la fois, l’Esprit.
L’esprit c’est le souffle, c’est la respiration. L’esprit c’est chaque fois que j’inspire et j’expire. Et cela depuis je suis née. Comme le premier Adam, au début du monde. Il reçoit le souffle dans ses poumons pour respirer. Et quand un enfant naît, on attend avec impatience qu’il crie, parce que ça veut dire qu’il respire par lui-même le même air que nous. Lorsqu’on meurt, ne dit-on qu’on rend son dernier souffle, ou qu’on rend l’esprit. On peut dire ça parce que le souffle ou l’esprit se dit « pneuma » en grec et que c’est la racine de tous les mots liés à la respiration et à l’air….Vous pouvez décliner tous les noms que vous connaissez.
Mais ce souffle, c’est aussi c’est aussi le vent. Le vent qui pousse la voile des bateaux, ou des parapentes ou des parachutes. Le vent qui passe dans les arbres, comme une tempête ou comme une brise légère, ou même un souffle ténu. L’esprit, le souffle, le vent, traverse toute la vie des hommes. Le souffle plane au dessus des eaux, et du chaos, au livre de la Genèse.
Alors quand nous nous posons la question de savoir si aujourd’hui l’esprit souffle toujours, et si nous-mêmes aujourd’hui, nous sommes remplis de l’esprit saint, je dis oui, sans aucune hésitation. Mais cela reste une grande question tout de même. Et chacun tente d’y répondre comme il le peut.
Avoir du souffle, ou avoir de l’esprit, cela peut nous parler. Etre remplis de l’esprit saint, ou de l’esprit de Dieu, c’est plus difficile, parce qu’on a l’impression de franchir une étape, d’aller plus loin, d’aller plus en profondeur. C’est comme si on refusait d’être en relation avec cette partir intime de nous-mêmes. Parce que c’est de cela qu’il s’agit. Et c’est sans doute pour cela que cette fête passe assez inaperçue dans nos vies, et d’une certaine façon aussi dans nos églises, en tout cas dans la nôtre. Car les Orthodoxes par exemple n’ont pas du tout la même relation à l’Esprit Saint que nous.
Nous avons tous l’Esprit Saint en nous. Nous le symbolisons par l’imposition ou par le geste de la bénédiction. Vous y penserez tout à l’heure à la fin du culte.
Au fond, il y a des manifestations multiples de la présence de l’Esprit Saint en chacun de nous. Nous portons en nous quelqu’un de plus grand que nous, qui nous aide à grandir dans la vie, et dans la foi. Cela ne se manifeste pas de la même manière chez tout le monde. Je crois que l’Esprit frappe de grands coups, qu’il reste à l’origine de conversions extraordinaires et des illuminations éclatantes ou même aveuglantes comme pour Paul sur le chemin de Damas. Mais l’Esprit Saint peut aussi se manifester de façon discrète, douce, sensible, ou même dans la fragilité de chacun, faisant naître chacun à une vie nouvelle, autrement dit à un discernement et une compréhension nouvelle des êtres et des événements.
C’est pourquoi j’ai choisi un autre texte de l’apôtre Paul, qui parle de la conséquence de l’Eprit Saint en chaque personne, ce qu’il appelle les fruits de l’Esprit.
Avant de concevoir le don de l’Esprit-Saint d’abord comme une manifestation extraordinaire, voire fantastique de la présence de Dieu dans notre vie, prenons le temps d’examiner la relation que nous construisons avec les autres. Examinons surtout notre nature première, notre caractère, notre personnalité, examinons nos réactions épidermiques….qui ne sont pas forcément remplies de douceur, de patience, ou de bienveillance. Si nous les laissons être transformées par autre chose qui nous rend meilleurs, et qui nous permet de travailler à la concorde, et à la paix, entre nous et autour de nous, alors nous sommes remplis de l’Esprit Saint.
Une autre caractéristique de la présence de l’Esprit, c’est quand nous n’avons plus peur. Plus peur de partager, de mettre en commun ce qu’il possède, il n’a plus peur de manquer. Il n’a plus peur de donner, non seulement sur le plan matériel mais aussi sur le plan affectif et sur le plan spirituel.
Lorsque nous comprenons ce que Dieu, en Jésus-Christ, veut pour nous, que nous nous ouvrons à la confiance, si une parole du Christ nous atteint un jour au plus profond de nous-mêmes, qu’elle nous rejoigne, et qu’elle nous mette en mouvement, à ce moment-là nous faisons l’expérience de l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu. Nous faisons alors l’expérience de l’Esprit Saint, en nous-mêmes, comme puissance de réconciliation, de vie et de fécondité, que ce soit au sens propre comme au sens figuré.
L’Esprit Saint est ce souffle du renouveau, du renouvellement de la personne, mais aussi des choses. Il n’y a aucune situation d’enfermement, de solitude, de tristesse, qui soit définitive. Il n’y a aucune situation de détresse, de culpabilité, de doute qui soit sans issue. L’Esprit Saint s’engouffrera toujours dans la moindre petite brèche de notre personne qui s’ouvre à l’espérance. On ne peut pas finalement empêcher l’Esprit saint de faire son travail de renouvellement de la confiance. Quand l’Esprit Saint commence à travailler les personnes de l’intérieur, on peut voir des miracles surgir. Ce sont ces flammes de feu qui se sont posées d’une certaine façon sur les disciples. C’est le feu de l’amour !
Pensons au levain qui se trouve, invisible dans la pâte, et qui permet au gâteau de gonfler. Pensons aussi à la graine de moutarde enfouie dans le sol : elle met le temps dont elle a besoin pour devenir un arbre dans lequel viennent se nicher tous les oiseaux. Ces comparaisons rejoignent notre chemin de foi, sur lequel Dieu se trouve à l’origine, sur lequel, Jésus se laisse découvrir et rencontrer, sur lequel l’Esprit Saint authentifie notre engagement, nous console de nos échecs, renouvelle notre espérance et consolide notre amour. La promesse continue de nous être faite aujourd’hui, celle de savoir que l’Esprit saint nous est donné, ou d’apprendre qu’il nous sera donné pour peu qu’on le demande, avec conviction et espérance, c’est à dire, en croyant qu’il est déjà à l’œuvre. Souvenons-nous que Jésus est venu dans le monde par amour. Dieu a envoyé son fils non pour juger le monde mais pour le sauver. De Lui-même. Il y a longtemps, pour certains d’entre nous, nous avons dit que Jésus était le Seigneur. Nous avons été appelés à le dire, et nous avons essayé de vivre de cet appel. Prenons le temps de le redire aujourd’hui, que Jésus est toujours le Seigneur de nos engagements, de notre vie, de notre Amour. Chacun à notre manière. A genoux dans son cœur. Nul ne peut dire cela sans avoir l’Esprit saint en lui. Pentecôte c’est la fête de notre intimité avec Dieu.
Amen.
Agnès, 20 mai 2018