La prière, la respiration du chrétien
Prier. Pourquoi prier ? Dieu ne sait-il pas déjà tout ce dont j’ai besoin ? Et pourtant Jésus ne cesse de prier et de nous y inciter.
« Fais du Seigneur tes délices et il te
donnera ce que ton cœur demande »
« En hébreu, le verbe prier (lehitpalel ou התפלל ) ) est une forme réfléchie : un discours à soi-même comme s’il était un autre » écrit Henri Atlan dans « Les étincelles de hasard ». Il y a l’idée de plénitude, remplir son cœur de pensée mais aussi celle d’attachement comme d’ailleurs dans le verbe grec deomai (δέομαι) utilisé dans le nouveau testament. Dans le judaïsme, il s’agit donc de se parler comme avec un autre pour écouter et entendre la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’à propos du sens de la prière, Rav Yaacov Spitezki écrit que « L’échelle que vit Jacob dans son rêve, et le long de laquelle des anges de Dieu « montaient et descendaient », est également le symbole de la prière. (Genèse XXVIII, 12) ». Cela commence par le premier degré à savoir l’introspection et « le degré le plus élevé de « l’échelle » de la prière est atteint quand l’inspiration est telle qu’un seul désir nous habite : éprouver l’attachement qui nous relie à Dieu ».
Rav Yaacov Spitezki ajoute que notre âme est alors « véritablement un reflet de la Divinité ».
Cela nous rappelle bien entendu le mysticisme chrétien et le chemin paraît difficile mais je crois qu’il est plus abordable s’il l’on accepte de ne pas en être digne, comme le publicain qui s’humilie devant Dieu et sera justifié. L’humilité est indispensable pour accéder à la volonté de Dieu, humilité de notre finitude, de notre incapacité. Certes nous demandons mal, certes nous sommes maladroits, mais justement, demandons comme nous pouvons. Si Dieu sait ce dont nous avons besoin, lui demander, c’est surtout reconnaître que nous avons besoin de lui, que c’est à lui que nous faisons confiance, y compris en lui confiant notre désarroi, notre colère, notre joie. Ce n’est pas tant le fond que l’acte lui-même qui me semble
importer. C’est une preuve que nous l’aimons, que nous nous attachons à lui, que nous avons besoin de lui, comme un enfant qui appelle à l’aide sa mère ou son père. Alors nous pouvons lui faire confiance jusqu’au bout, car ce qui importe, c’est que nous croyons qu’il nous accordera non pas ce que nous demandons, mais ce qui sera le mieux pour nous. Et plus nous prendrons plaisir en Dieu,
plus nous le laissons agir dans nos vies, nous transformer, plus nos désirs seront ses désirs et plus nous serons exaucés, car nous aurons de mieux en mieux conscience de sa volonté, et plus nous ferons sa volonté. Et il y a bien un combat dans et par la prière, un combat face à nos désirs et à ceux du monde, aux forces du néant et du mal. Jésus ne se retire-t-il pas pour prier afin de pouvoir
porter sa croix jusqu’au bout ? Ne demande-t-il pas à son Père d’écarter si cela est possible cette dernière épreuve, mais que sa volonté soit faite ? Ne dit-il pas au disciple confronté à un esprit virulent que seuls la prière et le jeûne permettent d’en venir à bout ?
Prions comme nous pouvons, courtement ou longuement, en silence ou en chantant, pourquoi pas en langue ou en dessinant, en groupe ou seul dans sa chambre, il y a tant de manière, mais cultivons la prière car elle se cultive. C’est la respiration du chrétien, c’est entrer en relation avec la transcendance du divin par nature hors de ce monde, c’est sortir de notre nombrilisme, de la circularité de notre monde et de son brouhaha pour une relation de verticalité qui nous régénère par l’Esprit Saint que nous recevons et laissons agir en nous. Prier, c’est laisser l’Amour de Dieu nous traverser, comme un torrent, et pouvoir aimer ainsi le monde et intercéder pour lui, avec puissance, parfois miraculeuse, au plus près de ses souffrances, jusqu’à travers la poussière (dia-konia, διακονια) pour y insuffler la résurrection et la Vie.
Amen !
Thierry Delaunay, coordinateur du groupe Ephata
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