La Question du Mal – Fev 2019

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Fév, 2019

Le péché originel et la culpabilité en Occident : restitution des discussions du Groupe « Aux Sources de la Foi » lors de la rencontre du 12 février 2019 – Autour du chapitre 3 (p 101-118) du livre d’Adolphe Gesché intitulé « Le Mal »

Depuis Saint Augustin, le chrétien n’est-il pas responsable de cet « empoisonnement de la faute » qui pèse sur les hommes en occident, ajoutant aux souffrances physiques et affectives, celles de l’âme ?

Avec sa doctrine du péché, celle du péché originel, et sa théorie du salut qui s’exprime dans la christologie de la rédemption, Saint Augustin indique que l’homme doit être « sauvé d’une faute originelle ».

Cette théologie n’a-t-elle pas installé l’Occident dans un univers de tourments dont on aurait pu se passer ?

Le coupable, n’est-ce pas le théologien chrétien ? Oui, si le péché est une invention de l’Eglise pour conduire à Dieu. Non, si la dénonciation du mal et la reconnaissance de la culpabilité contiennent une vérité libératrice pour les hommes et ouvrent à l’annonce d’un salut.

Comment alors comprendre cette doctrine du péché originel ?

La doctrine du péché originel dit une vérité sur la condition humaine

 

Il faut d’abord constater que la réalité du mal est un fait. Il ne s’agit pas de voir le péché partout. Pourtant on ne peut nier la réalité du mal, aussi bien celui qui est commis, le péché, que celui qui est subi, le malheur.

La leçon de vérité tient en ceci : « le monde est cassé », il n’est pas comme il pourrait être, comme il devrait être ou comme on voudrait qu’il soit.

Le mal n’est pas seulement dans l’écume des choses, il pénètre profondément la réalité de la vie.

La présence de ce mal ‘’déjà là’’, demeure mystérieuse, inexplicable. La Bible ne prétend pas l’expliquer, encore moins le justifier. Il est là. Mais, contrairement à toutes les tentatives pour gommer ou pour maîtriser le mal, la Bible appelle le plus radicalement le mal : « mal ». Pas l’ombre d’une justification, le mal est l’injustifiable précisément.

 

Il faut ensuite dire que le mal n’est pas dans la nature des choses.

La Bible est aux antipodes des deux compréhensions habituelles du mal.

La première : les dieux sont responsables du mal. Soit que les dieux mauvais aient créé une nature en soi mauvaise, soit que d’autres dieux, adversaires du créateur bon, aient mêlé le mal à l’intérieur de la création. La nature serait donc ontologiquement mauvaise. La Bible atteste, au contraire, que la création est bonne, et que Dieu n’a pas voulu le mal. Nous avons déjà dit que le mal n’appartient pas à la création, c’est un ‘’accident’’, il est malheur.

La deuxième fausse compréhension : non pas les dieux, mais l’homme est responsable du mal, c’est uniquement à cause de lui qu’il y a du mal. Ce n’est pas ce que dit la Bible. Ni Dieu, ni l’homme ne sont la cause. L’homme n’a donc pas à en supporter tout le poids. La figure mythique du serpent coupable signifie qu’un mal nous précède.

C’est le thème de la tentation, dans le péché originel, il est intéressant, un tentateur nous précède. Paul Ricoeur exprime cela en disant : « nous ne naissons pas sans bagages »

 

Enfin il faut affirmer que l’homme est cependant partiellement responsable.

On comprend bien que l’homme peut avoir une part de responsabilité, tant le spectacle est persuasif autour de nous.

Deux aspects sont à considérer.

Nous ne sommes pas isolés, ce que nous faisons a un impact sur les autres, nous avons une responsabilité solidaire. Ce que nous faisons, c’est aux autres que nous le faisons, en bien comme en mal. Et ce que les autres font nous touche, en bien comme en mal.

Cette responsabilité laisse la place à la liberté. La responsabilité est l’envers de la fatalité. Dire que le mal n’est pas dans la nature, c’est introduire forcement une part de liberté donc de responsabilité de l’homme. Nous retrouvons le thème le thème de la désobéissance et de la transgression qui est de notre fait, au moins par consentement à un mal venu d’ailleurs. L’homme a donc bien une responsabilité en second.

Mais, là, il faut bien reconnaître que le monde chrétien occidental a certainement trop développé le côté faute, qui laissait croire que tout le mal a été fabriqué de toute pièce par l’homme.

 

La doctrine du ‘’péché originel’’ contient une vérité de Salut

 

Le mal est tel qu’il nécessite un Salut extérieur à l’homme, L’homme ne peut donc se sauver lui-même, le Salut vient de Dieu. C’est cette vérité-là précisément que Saint Augustin a voulu souligner d’abord en se battant contre l’hérésie de Pelage qui affirmait que la vie vertueuse suffit à notre Salut.

Mais le péché ne conduit pas Dieu à abandonner Adam, ni à enfoncer l’homme. Le Salut, c’est justement que tout peut toujours être repris. C’est le thème de la surabondance de la grâce. Le mal n’aura pas le dernier mot

 

Le péché n’est pas la cause première d’un Salut à construire, mais c’est parce que le mal existe que le Salut de Dieu arrive comme espérance nouvelle. Autrement dit le ‘’Verbe’’ a destin de s’incarner de toute éternité.

 

Le péché n’est pas originel, il est actuel, il s’effectue dans le présent de notre vie.

Il y a donc place pour la responsabilité et la culpabilité saine.  Mais il faut combattre la culpabilité morbide qui barre tout chemin de redressement. Il existe, en effet, une forme de culpabilité générale, confuse et diffuse, et qui est le pire des maux et la plus grande insulte au salut de Dieu. C’est un culpabilisme détaché de toute faute concrète, qui peut devenir une manière d’être perverse. Coupable sans rien faire, ni vouloir faire.

« L’accusation n’a de sens que si elle est rédemptrice  »

Une culpabilité en soi, cultivée pour elle-même, est autodestructrice. L’on s’estime toujours coupable, l’on recourt aux solutions les plus crucifiantes et les plus destructrices. Le mot pardon n’a plus de sens.

Je ne suis pas coupable, je suis seulement coupable ‘’de’’. On n’est pas coupable « comme ça ».

Quelle que soit ma vie, je ne suis pas « un » coupable de manière ontologique, mais coupable d’actes mauvais, à titre transitoire, pour lesquels il y a un pardon qui nous est offert.

 

Il faut enfin souligner un dernier aspect de cette doctrine : la possibilité de rémission.

La reconnaissance d’un lieu, que Ricœur appelle « lieu de l’aveu » aide à la prise de conscience. Bien que l’identification de Dieu avec notre conscience soit à éviter, notre conscience est infiniment plus dure que Dieu. « Dieu est plus grand que notre cœur et connaît toute chose » écrit Jean (1Jn. 1 8-9).

« N’ajoutons pas au péché commis celui de ne pas croire au Salut  »

Finalement, « il n’y a de péché que pardonné ». Telle est la réalité chrétienne.

N’ajoutons pas au péché commis celui de ne pas croire au salut, de ne pas croire que « Dieu est plus grand que notre cœur ».

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