Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant !
20 janvier 2019

Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant !

Prédicateur:
Passage: Jean 2:1-11
Type De Service:

Amis, frères et sœurs,

L’évangile de Jean nous raconte un épisode unique de la vie de Jésus que nous ne trouvons dans aucun autre évangile. Il y a d’ailleurs, d’autres textes uniques, dans l'Evangile de Jean, comme celui de Nicodème, le récit de la femme samaritaine, celui du pain de vie, le récit de la femme adultère, celui de la résurrection de Lazare et celui du lavement des pieds, entre autres.

Nous pourrions résumer l’histoire que nous venons d’entendre, en quelques mots : Jésus est invité à un mariage, avec sa mère, et les disciples qu’il a rencontrés peu de temps avant. Au cours de ce mariage, le vin fait défaut. Jésus intervient, au cours de cette fête, et change en vin, de l’eau contenue dans des jarres. Et la fête continue ! Avec une nuance : le bon vin a été gardé jusqu’à maintenant. Mais reprenons ensemble le déroulement du récit.

Il nous faut remarquer quelques détails dans l’écriture de ce récit :

Le troisième jour : ces mots qui ouvrent ce récit nous rappellent la formule que nous avons dans la confession de foi chrétienne : le troisième, il est ressuscité des morts. Le récit des noces de Cana contient une part symbolique. Le récit dont il est question est apparenté à un récit de résurrection.

C’est la mère de Jésus, dont nous pouvons remarquer ici qu’elle n’a pas de prénom, qui, la première, s’aperçoit qu’il n’y a plus de vin. S’apercevoir de cela est la remarque d’une femme attentive. Ce qui est étrange, au lieu de s’adresser au maître du repas, dont justement la fonction aurait été de remarquer ce manque, Marie s’adresse à Jésus. C’est à lui qu’elle annonce qu’ils n’ont plus de vin.

C’est à ce moment précis que notre récit prend une toute autre dimension.

Nous sommes au début de l’Evangile de Jean. Jésus n’a pas encore commencé son ministère. Marie sait que cela doit arriver. En s’adressant à son fils de cette façon, elle l’encourage à devenir qui il est vraiment. Si Marie, à Bethléem, a donné naissance à Jésus, ici à Cana, elle donne véritablement naissance au Christ. Elle l’encourage à partir sur la voie messianique. D’ailleurs, nous sommes toujours interpellés par la réponse de Jésus, apparemment très dure : « Femme ! Qu’y a t il entre toi et moi ? »

On a souvent interprété cette réponse comme étant une attitude irrespectueuse de Jésus envers sa mère, remettant Marie à sa place de femme, sans importance. Mais je voudrais vous transmettre ce que la théologienne protestante, France Quéré fait de cette réponse de Jésus à sa mère : « Que se passe-t-il donc entre nous deux, pour que tu saches déjà ? Comment as-tu fait ? Avant même que je pose le premier signe, toi, tu m’as reconnu ! »

D’ailleurs, ajoute France Quéré, la preuve que nous donne le texte que cette réponse n’était pas inopportune, c’est que Marie s’adresse ensuite aux serviteurs, pleine d’assurance : « Faites tout ce qu’il vous dira » !  Quoi qu’il vous dise, faites-le !

Jésus dans sa réponse, a ajouté cette phrase : « Mon heure n’est pas encore venue ».

De quelle heure s’agit-il ? Dans l’Evangile de Jean, l’heure dont il est question est celle de la Passion de Jésus. Celle de sa crucifixion, celle de sa mort à Golgotha. C’est là que, contre toute attente, se manifestera la messianité de Jésus.

Jésus sait aussi que dès lors qu’il aura commencé un premier signe, il ne pourra plus reculer. D’autres suivront qui le conduiront inexorablement à Jérusalem.

L’esprit de Dieu souffle à Cana, à travers le dialogue entre Jésus et sa mère. La mère ne garde plus son fils pour elle-même, mais elle le donne au monde pour que le monde puisse à son tour goûter sa présence. Et ce premier goût aura celui du meilleur vin gardé par la fin.

Jésus s’adresse maintenant aux serviteurs, leur demandant de remplir les jarres avec de l’eau.  Remarquons que Jésus n’intervient pas lui-même sur le plan pratique : Il parle aux serviteurs et les serviteurs obéissent.

Et cela a du prendre du temps : imaginez !  Chaque jarre contient 100 litres d’eau. Il n’y a pas d’eau courante à cette époque. Donc il faut aller prendre l’eau au puits. 100 l par jarre, et il y en a 6, on peut supposer que cela a pris du temps, mais ce n’est pas mentionné.

Qu’importe, elles sont remplies d’eau ces jarres, qui servent à la purification des juifs, suivant leur rituel.

« Allez maintenant en porter au maître du repas », dit Jésus. Déjà Jésus s’efface derrière le maître de repas. Le vin est normalement goûté par celui qui gère le déroulement des noces. Chacun est bien à sa place et discrètement Jésus a repris la sienne, au milieu des convives. Et c’est là que la surprise arrive ! Le maître du repas goûte le vin et s’extasie sur l’excellence de ce vin !  Et il dit sa surprise, son étonnement en faisant une remarque très rationnelle :

« Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » 

L’eau qui servait à la purification selon le rite juif est transformée en vin réjouissant le cœur de l’être humain, et déjà nous entendons  quelque chose d’autre, nous entendons comment Jésus inaugure le don qu’il fera de sa propre personne, en bénissant le vin du dernier repas qu’il prendra  quelques années après, avec ses disciples la veille de sa mort, ouvrant ainsi un nouveau chemin de relation entre Dieu et les hommes, et entre les êtres humains : « Que tous soient un,  Père,  comme moi, je suis un avec toi ».

Ce récit est chargé de symboles. Avec cette eau changée en vin, c’est le signe d’un bouleversement encore plus grand qui est annoncé. Une révolution d’amour de la part de Dieu manifestée essentiellement par le renversement de toutes les valeurs humaines : les pêcheurs sont pardonnés, les malades sont guéris et réintégrés dans la société, y compris les contagieux,  la lumière est donnée aux aveugles, les derniers sont payés autant que les premiers, les prostituées et les collecteurs d’impôts passent devant les pharisiens et les scribes, la gloire de Dieu culmine avec la mort de Jésus sur la croix, supplice réservé aux malfaiteurs et pour finir, ce sont aux femmes, éléments secondaires de la société de l’époque,  qui sont les premiers témoins de la résurrection de Jésus…

Cette eau changée en vin rappelle encore la manne du désert transformée en pain de vie.  Elle annonce déjà la tristesse des disciples à la mort de Jésus transformée en joie des apôtres, accueillant à leur tour la bonne nouvelle de la résurrection, inaugurant à leur tour, un chemin de conversion intérieure qui sera pour toujours le signe de la présence de Jésus dans leur vie.

Comment recevoir ce texte, en particulier, dans l’aujourd’hui de notre société ?  Nous sommes d’accord pour dire que notre société ne va pas bien, un vent de contestation souffle sur notre pays, depuis plusieurs semaines, qui se transforme par épisodes en ouragan de violence et de peur. Nous sommes interpellés par le gouvernement à prendre part au débat national, mais sommes-nous aussi nombreux à nous emparer de cette occasion qui nous est donnée, pour dire ce que nous pensons, et pour être force de proposition, pour aider au changement ?  Un autre commencement est possible, que nous pouvons mettre en place, je le pense, sans que cela passe par la force, mais par la concertation. Croyons-nous cela possible ?

Nous aspirons nous aussi au changement. Parce qu’au fond, nous savons bien que nous ne sommes pas heureux dans une société où la concurrence et la compétition sont le mode de fonctionnement. Si rien ne change, les premiers restent toujours les premiers, celui qui a de l’argent peut toujours faire de bonnes études, celui qui a des relations, peut se faire pistonner. L’écart entre les riches et les pauvres de notre société est de plus en plus grand, et les derniers restent toujours les derniers. Au fond, quelque part, c’est l’échec de la Bonne Nouvelle. Nous savons que notre société est malade, mais on a l’impression que personne ne veut guérir. Nous faudra-t-il arriver au pied du mur pour que nous réagissions, et ce à tous les niveaux, pour que toutes les bonnes idées, les bonnes initiatives, les petits engagements courageux de nombreuses personnes, à travers la planète, qui luttent, là où ils sont pour une économie solidaire, pour la sauvegarde de la planète, pour plus de justice envers les femmes et les enfants, ne soient un coup d’épée dans l’eau ?

Dans la foi qui nous anime, et qui nous soutient, nous sommes invités à recevoir ce récit des noces de Cana, comme une parole de nouveauté pour chacune de nos vies, qui peut être transformée par de nouveaux commencements. C’est aussi une parole d’espérance, pour chacun de nous, toutes générations confondues, parce qu’il n’y a pas d’âge pour commencer une vie nouvelle. Cette eau qui circule, des jarres à la cruche, de main en main, des serviteurs au maître du repas, du maitre de repas aux invités, représente notre foi, dont nous disons qu’elle est un mouvement, une marche.

Si notre foi est mouvement, il nous faut sans cesse reconsidérer ce que nous croyons, et passer d’un « ancien » croire à un croire « nouveau », à l’heure où nous sommes bousculés par de nouvelles questions en provenance de la société.

Si nous disons que notre foi est vivante, alors elle ne peut pas stagner comme l’eau au fond d’un vase. Une foi vivante, c’est une foi stimulée et stimulante ! Toujours à nouveau, elle a besoin de la parole renouvelante du Christ, qui toujours, change notre foi, notre façon de croire, notre regard sur les autres et sur les situations qui nous entourent. Aux noces de Cana, l’eau changée en vin vient nous annonce quelque chose de nouveau. Elle annonce une personne, Jésus, qui passera son ministère à désacraliser les pratiques religieuses de son peuple, et aussi à désacraliser les idées toutes faites sur Dieu, en réintégrant dans la société les laisser pour compte.  Et ce, jusqu’à donner sa vie pour cela.

Le texte des noces de Cana vient nous dire une espérance, qui peut redynamiser nos engagements, notre réflexion, nos idées, et à devenir ou redevenir nous aussi, force de proposition dans notre société : il vient nous dire que l’eau de nos doutes, de nos désespoirs, de nos rancœurs, de nos désillusions et même de nos échecs, peut être changée en bon vin, celui de la dignité, de la reconnaissance et la guérison, pourquoi pas,  de  chacun, chacune dans le monde, qui nous permet de vivre le meilleur, y compris sur la fin de notre vie, parce qu’il n’y pas d’âge pour commencer.

Une vie nouvelle peut jaillir de la dureté de notre cœur, teintée de tristesse et de nostalgie, qui nous permet de garder confiance même si l’avenir nous semble incertain,  qui nous permet d’accueillir notre prochain,  même si nos points de repère volent en éclats,  qui nous permet de témoigner, même si la Parole de Dieu nous pousse inévitablement dans nos retranchements.

Le bon vin gardé jusqu’à maintenant et même jusqu’à la fin, c’est une autre façon d’entendre la promesse du Christ : et voici, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde, de tous nos mondes.  C’est la grâce de tous nos commencements.

Amen.

Agnès, le 20 janvier 2019

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